N’oubliez pas vos maillots...

par ANDRE CICCODICOLA
Publié le 18 février 2022 à 10:26

Jean-Pierre Farandou, PDG de la SNCF, ingénieur des Mines de Paris. Il a travaillé pour la compagnie minière américaine Amax à Denver (Colorado). Christophe Fanichet, PDG de SNCF Voyageurs est diplômé de l’école d’ingénieurs ESIEA Paris et de la London Business School. Carole Desnost est directrice technologies, innovation et projets du groupe SNCF. Elle a commencé sa carrière dans le groupe PSA aux études produits, marketing, lobbying international et en ventes opérationnelles. Alain Krakovitch, directeur TGV-Intercités, diplômé de l’École Centrale de Lyon ainsi que d’un master de management et de logistique de l’Essec... Mazette ! Que d’intelligences à la tête de notre chère, trop chère SNCF. Derrière ces noms et ces titres, combien de milliers, que dis-je, de dizaines de milliers d’heures d’études, de concours passés, d’expériences acquises, en particulier, notons-le car là est la question, chez les anglo-saxons experts en gestion financière et humaine libérale. Cette montagne de diplômes s’est penchée sur le problème lancinant du prix du billet de chemin de fer. Autrefois, le tarif était constant et établi au kilomètre parcouru. Rentabilité oblige, depuis la privatisation partielle de la SNCF, le prix est fixé suivant le jour, l’heure du voyage et l’état de la demande. Résultat : les prix ont explosé. Du coup les petits budgets se sont trouvés quasiment empêchés de circuler en train. Quand le gouvernement prônait la mobilité, ça la fichait plutôt mal. Le ministre de l’Économie de l’époque, Emmanuel Macron, lança alors les cars éponymes destinés selon ses propres mots aux « pauvres parce que le car c’est huit fois moins cher ». Il aurait dû préciser « et le trajet trois fois plus long ». Là où il faut en moyenne 3 h 30 en TGV entre Montpellier et Paris, on comptera 11 h 45 en car. Bien des derniers de cordées acceptent sans sourciller les esquarres et les fourmis dans les jambes. Nous, nous disons : « Merci Macron ! » Espérant ainsi s’être débarrassée des petits payeurs, la direction de la SNCF pouvait espérer ponctionner allègrement ceux pour lesquels la fin du mois tombe un peu après le 15. Mauvaise pioche. Ça regimbe aussi chez les non smicards car les prix sont devenus prohibitifs. Pour un Lille-Paris et retour au débotté, il faut souvent compter plus de 90 euros. Difficile, dans ces conditions, de faire « aimer le train », d’autant qu’une inflation généralisée et galopante ravage actuellement les porte-monnaie. Face à cette situation, notre cénacle a accouché d’une idée magistrale pour faire passer la pilule de la cherté : vendre les billets de train à crédit ! « Nous travaillons à toutes les bonnes idées qui permettent de faciliter l’accès de tous au voyage en train, y compris à travers les moyens de paiement » a osé le porte-parole de la compagnie. Ce coup de génie a été adoubé par l’inspirateur en chef des coups de bonneteau : le président Macron. Ex-ENA, ex-associé gérant de la banque d’affaires Rothschild & Cie, il fut aussi rapporteur de la commission pour la libération de la croissance française dite « commission Attali », matrice d’une France de l’auto-entreprenariat, de la précarité et des privatisations à tout va. Ces gens partagent une même conviction : tout ce qui est humain est commercialisable et privatisable, mais à une condition : la profitabilité. Ainsi, la privatisation du transport ferroviaire doit-elle répondre à deux critères et mécanismes gravés dans le marbre des contrats :

  • Un partage des risques/recettes doit être fixé entre l’opérateur et l’autorité organisatrice du marché (État, Région, Département).
  • Une marge « raisonnable » doit être garantie à l’opérateur privé grâce à une subvention d’exploitation. Pour résumer ce système :
  • Pile, le capitaliste gagne,
  • Face, le citoyen usager perd. Et maintenant nos jeux de la semaine :
  • Un candidat à l’élection présidentielle propose d’établir un prix fixe réellement abordable à partir du kilomètre parcouru. De qui s’agit-il ?
  • Qui a promu le nouveau site « sncf-connect » en remplacement de « oui.sncf » ?
  • Pensez-vous que cette innovation relève de la modernité, quand le ministre de tutelle en personne reconnaît qu’on assiste à « des pertes de dossiers voyageurs, des problèmes de lecture des QR codes des billets, des propositions d’itinéraires fantaisistes, l’impossibilité de faire plus de deux correspondances ou de choisir une étape, la disparition des comparatifs de prix, l’impossibilité d’utiliser le Wallet des iPhones pour stocker des billets, des difficultés à accéder à un billet pour l’annuler ou le fond très sombre choisi pour l’application... » ? À la lecture de la page de garde du nouveau site, on remarquera que désormais les lignes SNCF se prolongent directement dans l’océan Atlantique. Pensez à vos maillots.