Non ça n’est pas la guerre, ou alors ...

par ANDRE CICCODICOLA
Publié le 20 mars 2020 à 11:39

Nous traversons des moments difficiles, tragiques mêmes. Il est donc normal que le président nous éclaire et nous invite à l’action dès lors qu’elle est aussi du ressort de chacun. Mais fallait-il pour autant répéter à satiété « la France est en guerre » ? En guerre... six fois Emmanuel Macron a martelé ce mot terrible lors de son allocution du 16 mars à 20 heures. Non, Monsieur le Président notre pays n’est pas en guerre, mais en butte à une pandémie : celle du Coronavirus. C’est sans doute par ignorance et pour ne pas avoir vécu ces épisodes dévastateurs pour l’humanité, qu’il s’est permis cette référence. Jeter ces mots terribles au visage de 35 millions de téléspectateurs avait un dessein : faire peur. C’est ce qu’ont justifié certains Français sont des êtres matures, ils n’ont pas besoin qu’on leur fasse peur, comme on le ferait (à tord) avec un enfant sous prétexte de lui éviter quelques dangers.

Procéder ainsi, c’est infantiliser nos compatriotes, quand au contraire, il faut faire appel au sens des responsabilités. Il y a une forme d’irrespect dans cet acte présidentiel. Il reflète la condescendance viscérale des classes dirigeantes à l’égard du peuple, supposé par elles, inculte et irresponsable.

En évoquant l’état de guerre, Emmanuel Macron s’est virtuellement défait du rôle de président civil démocratiquement élu, pour endosser la panoplie d’un général en chef. Qu’espère t-il d’une telle posture ? Si guerre il y a, comme le dit le Président, nous pouvons lui reprocher de nous avoir mis dans les plus mauvaises conditions pour l’affronter. Il a désarmé le corps médical en amputant systématiquement les budgets consacrés à la santé. « On a encore demandé aux hôpitaux de faire 960 millions d’euros d’économies pour compenser la hausse naturelle des dépenses » , s’alarmait déjà en 2018 Frédéric Valletoux, président de la Fédération des hôpitaux de France.

Et il ajoutait « Et pour 2019 ? Cela ne va pas changer, car l’hôpital est prié de réduire ses dépenses de 650 millions d’euros ». L’hôpital a été mis à la diète et dans la rue. Nous avons été les témoins d’incessantes manifestations d’hospitaliers souvent brutalement réprimées. Nous risquons de payer très cher cette vision comptable de la santé. Elle procède d’un choix politique global visant à abaisser la dépense publique notamment pour diminuer sans cesse l’impôt dû par les entreprises industrielles et financières et accroître leurs dividendes.

Dans son allocution du 16 mars le prési- dent a annoncé que nous ne sortirions pas de cette crise comme nous y sommes rentrés. « Le jour d’après ne sera pas comme le jour d’avant  » a-t-il précisé. Sauf une révolution personnelle, l’expérience nous fait douter. Le 8 septembre 2018, à Marseille nous avions brièvement dialogué en tête à tête avec le président à propos du plan pauvreté qu’il devait présenter à la nation quelques jours plus tard.

Il nous affirmait sûr de son fait : « Vous allez être surpris ! » Nous l’avons été : selon l’INSEE, en 2019 la France comptait 9,3 millions de pauvres soit 300 000 de plus qu’en 2017, année de son élection à la présidence ! Et tout porte à croire qu’ils seront encore plus nombreux dans les mois à venir.

Par la voix du très droitier ministre Bruno Le maire, on nous annonce de possibles nationalisations afin de sauver des grandes entreprises mises à mal par la crise actuelle. C’est parfaitement souhaitable et acceptable, à une condition toute- fois : que ces entreprises ne soient pas bradées au privé une fois qu’elles auront recouvré leur santé économique et renoué avec les bénéfices. Ces bénéfices devront alors profiter à leur développement, à celui de la nation et au bien-être de ses membres.