Pour l’après, ils ont tous prévenu...

par ANDRE CICCODICOLA
Publié le 24 avril 2020 à 08:00

C’était leur obsession : ramener les finances publiques à un déficit de 3 % pour ne pas laisser une dette en héritage aux générations futures.On n’entendait que ça. Ça semblait si plein de bon sens ! Mais d’autres comme ATTAC, le PCF, le NPA et des esprits éclairés écologistes et sociaux démocrates indiquaient une autre voie pour équilibrer les finances publiques, l’imposition sur le capital des richesses créées par les forces vives de la nation. Ils expliquaient aussi que l’endettement, bien pensé, était synonyme d’investissements productifs, sociaux et stratégiques pour l’avenir. Mais ils ne furent pas entendus. La baisse des déficits publics et les politiques d’austérité furent enclenchées, rabotant sans cesse les budgets sociaux.

Nous en payons aujourd’hui le prix : l’hôpital public est exsangue. S’il fait face aux ravages du coronavirus, c’est grâce au dévouement des personnels qui n’ont plus qu’un vague souvenir de ce qu’est une semaine de 35 heures. Les promoteurs de ces politiques s’étaient bien gardés de préciser que l’austérité sociale pour les uns irait de pair avec des choix favorisant l’enrichissement personnel pour les autres. En effet, de 2010 à 2017 du coté des sociétés du CAC 40, les bénéfices ont augmenté de 9,3 % et les sommes versées aux actionnaires de 44 %, tandis que le montant de leurs impôts payés a reculé de 6,4 %. Dans cet espace-temps, les emplois en France ont reculé de 20 %. En 2018, grâce à Macron, ces actionnaires ont perçu 57,4 milliards d’euros soit 60 % des profits. La France est devenue championne d’Europe en termes de dividendes versés et de millionnaires. Elle est devenue un Eldorado pour les actionnaires des fonds de pension anglo-saxons ou ceux des pays du Golfe.

« L’État n’est pas la solution à notre problème, l’État est le problème. » Cette formule de Ronald Reagan fut leur credo : trop d’impôts pour trop de dépenses publiques, car trop d’État... Bruno Le Maire a mis son intelligence au service cette vision. Candidat à la présidence de la République, il voulait se dresser contre « l’assistanat » en privatisant Pôle emploi et en plafonnant toutes les aides sociales à deux tiers du Smic, ajoutant que « l’État n’avait pas pour vocation d’être propriétaire de secteurs économiques ». Devenu ministre de l’Économie et des Finances de Macron, il a logiquement engagé la privatisation de biens nationaux : les aéroports, dont ceux de Paris, La Française des Jeux, etc. qui rapportaient des centaines de millions à la collectivité nationale chaque année.

La crise généralisée provoquée par l’épidémie de coronavirus semble avoir totalement modifié sa vision : c’est maintenant une intervention massive de l’État qui jugulera le tsunami économique annoncé. Il prône même le recours à des nationalisations pour sauver l’appareil productif. Bonne nouvelle, mais... vigilance ! Il faut lire ses interventions avec l’attention accordée au dernier para- graphe d’une police d’assurance. Quand Bruno Le Maire dit « il faut envisager de nationaliser » il ajoute en minuscule « provisoirement... ».

En clair, on privatise les pertes en nationalisant les entreprises en difficulté et on les revendra à bas prix quand elles dégageront des bénéfices. Voilà donc le « jour d’après » que nous préparent le président Macron et ses acolytes. Cette hypothèse visant à perpétuer le système capitaliste porte en elle la litanie de ces crises consubstantielles qui ravagent les vies et la planète. D’autres solutions doivent être avancées et défendues. Les biens devenus publics devront le rester. Pour rembourser la dette importante provoquée par la crise, il convient en premier lieu de taxer à 91 % les revenus les plus élevés et les bénéfices de toute société exerçant son activité sur notre territoire, à la manière d’un Roosevelt face aux effets de la crise de 1929. Et puis pour en finir avec les crises qui émaillent cette ère capitaliste, il est grand temps de travailler à un système de vie en commun faisant de l’égalité son alpha et son oméga. Qui est prêt à s’atteler à cette tâche collective urgente ? Liberté Hebdo est là pour s’en faire l’écho.