L’affaire Benjamin Griveaux défraye la chronique. Les plus belles plumes de Paris ciblent justement mais essentiellement l’immoralité et la bassesse du procédé consistant à diffuser des images intimes sur les réseaux « sociaux » et à l’insu de leurs auteurs. L’ auteur du mauvais coup étant russe , certes réfugié politique, mais russe quand même, certaines subodorent une manipulation poutinienne. C’est le cas de La Revue des deux mondes , propriété du milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière qui offrit un emploi fictif à l’épouse de Fillon. Le président de la République, lui-même, ne suggérait-il pas cette hypothèse en déclarant lors de la conférence sur la sécurité à Munich que la Russie va « continuer à essayer de déstabiliser » les démocraties occidentales.
Complot, indignation : la nature et le nombre des interventions s’y rapportant pourraient nous faire oublier un détail. Pour justifier son geste, et se donner le beau rôle, le nihiliste russe a déclaré vouloir dénoncer l’ « hypocrisie » du candidat LREM qui aurait « utilisé sa famille en se présentant en icône pour tous les pères et maris de Paris ».
L’hebdomadaire Marianne soulignait de son coté que le candidat LREM avait choisi, à la mode américaine, de mettre sa famille en avant dans les médias et dans sa campagne. Or, dans les vidéos piratées, l’ex-candidat LREM comparait la structure familiale à « une prison ». Cet élément de l’affaire - le double langage -, passé médiatiquement à la trappe, n’aurait- il pas mérité d’être creusé ?
Nos compatriotes supportent de plus en plus mal la discordance entre les paroles et les actes d’une partie de la classe politique. On a tous en mémoire le sinistre ministre des Finances Cahuzac pourfendant les exilés fiscaux et qui sera condamné pour avoir dissimulé de l’argent en Suisse ; ou les Balkany ne déclarant pas leurs ressources et leurs biens pour, eux aussi, se soustraire à l’impôt.
La présidence actuelle a apporté sa contribution à ce malaise profond. En effet, que penser de Jean-Paul Delevoye alias « Monsieur retraite » , fustigeant les « privilégiés de la SNCF » et omettant des dizaines de milliers d’euros de revenus dans la déclaration d’intérêts remplie lors de son entrée au gouvernement ? Que retenir des dépenses fastueuses de l’ex-EELV François de Rugy quand il était « perchoir » ? Que dire de Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale, mis en examen pour « prise illégale d’intérêts » dans l’affaire des mutuelles de Bretagne ?
Que dire de la porte-parole du gouvernement Sibeth N’Diaye déclarant à l’Express : « J’assume de mentir pour protéger le président de la République » ? Ces faits font des ravages dans les consciences populaires contraintes au régime sec par ceux-là même que l’on vient de citer. Les affaires se succèdent, et le mode opératoire du capital, qui va avec, ne change pas.
Ainsi, la direction de Renault a-t-elle mis les comptes dans le rouge, affichant un déficit de 141 millions d’euros en 2019 (en 2018, les bénéfices s’élevaient à 3,3 milliards aussitôt repartis entre les actionnaires). Cette année, malgré des résultats négatifs, le versement de dividendes sera assuré. Dans le même temps, la directrice du groupe Clotilde Delbos programme une « économie » de 2 milliards sur deux ans pour retrouver un taux de profit élevé. Cela signifie des milliers de postes de travail en moins et des délocalisations vers l’est européen où les salaires sont moindres. La menace plane désormais sur l’avenir de Flins dans les Yvelines ou de Douai dans le Nord (les effectifs y ont été divisés par deux depuis 2003).
Candidat à la présidence, Macron avait promis un « nouveau monde » . Or, à tous les niveaux et pour toutes choses, il ressemble à l’ancien comme deux gouttes d’eau. Les riches sont toujours plus riches et ceux qui rament toujours plus nombreux. « Il faut que tout change pour que rien ne change » , la célèbre réplique du film Le Guépard de Luchino Visconti n’en finit pas d’être actuelle.
