« Touche pas au grisbi,s... ! »

par ANDRE CICCODICOLA
Publié le 31 mai 2019 à 09:00

On a beau dire, on a beau faire, les membres du gouvernement Macron et le Président lui-même sont d’indécrottables fervents de l’exploitation de l’humain par l’humain. Nous en tenons une nouvelle preuve avec l’affaire du burn-out, encore appelé « syndrome de l’épuisement ».

L’Organisation mondiale de la santé (OMS), institution spécialisée des Nations unies dont le noble but est d’amener tous les peuples au niveau de santé le plus élevé possible, vient de décréter le burn- out maladie professionnelle. Réunis à Genève, ses experts l’ont décrit comme « un syndrome résultant d’un stress chronique au travail qui n’a pas été géré avec succès » , « un sentiment d’épuisement », « des sentiments négativistes liés au travail » provoquant « une efficacité professionnelle réduite ». Pour préciser ses propos et couper court à toute contestation visant à nier le lien existant entre cette maladie et le monde du travail, l’OMS précise qu’elle « fait spécifiquement référence à des phénomènes relatifs au contexte professionnel » . En conséquence, elle a inscrit cette maladie, sous le nom de code QD85, dans la section consacrée aux « problèmes associés à l’emploi ou au chômage ».

C’est clair, net et précis, sauf pour... Muriel Pénicaud, ministre française du Travail. Le 7 mai dernier, elle a affirmé qu’il ne s’agissait pas d’une « maladie professionnelle ». Question : d’où tient- elle sa science, pour énoncer une telle affirmation ? Nous avons eu beau feuilleter son CV en long et en large, nous n’avons pas trouvé le moindre signe d’une compétence dans le domaine médical. Par contre, nous savons que cette ancienne DRH de Danone avait quelques belles accointances avec le Medef, syndicat patronal. Or, que dit celui-ci sur ce douloureux sujet ? « Le burn-out ne peut pas être décrété maladie professionnelle car c’est un phénomène très complexe, encore flou, où se mélangent des facteurs internes et externes à l’entreprise. » Nous connaissons désormais les sources « médicales » de Madame Pénicaud.

Le patronat ajoute : «  Si on ouvre la porte des maladies professionnelles aux risques psychiques, on met le doigt dans un engrenage dont personne ne mesure l’étendue. » Et de pointer des « coûts » supplémentaires pour l’entreprise «  si les médecins commencent à mettre toutes les dépressions sur le dos des patrons ».

« Touche pas au grisbi, salope ! » , avait fait dire Michel Audiard à Francis Blanche dans Les Tontons flingueurs . C’est en substance ce que jettent à la face de l’Organisation mondiale de la santé ceux qui s’opposent à la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle. Cette reconnaissance menace une chose qui vaut à leurs yeux plus que les femmes et les hommes : le taux de profit de l’entreprise. Tout ce qui peut l’affecter doit être balayé, écarté. Et peu importent les drames qui accompagnent cette maladie. Les dirigeants d’Orange (ex-France Télécom) sont actuellement face à la justice française pour avoir mis en place un système de management et de travail épuisant les salariés au point que des dizaines d’entre eux se sont donné la mort.

À « l’humain d’abord » , les ex- patrons de la multinationale des télécoms préféraient « le fric d’abord » . C’est aussi le choix de la ministre du Travail et des députés macronistes.