Un kilomètre d’autoroute vaut de l’or, un mois de Smic du plomb

par ANDRE CICCODICOLA
Publié le 20 décembre 2019 à 09:30

Le 28 novembre dernier face à Jean-Jacques Bourdin sur BFM TV, le Premier ministre déclarait qu’il n’y aurait pas de « coup de pouce » supplémentaire pour le Smic au 1er janvier 2019. Pour la 7e année consécutive, le gouvernement privait les salariés d’une augmentation durable de leur pouvoir d’achat.

Chez les travailleurs, l’annonce a été d’autant plus mal vécue qu’on apprenait, dans la foulée, que la bourse de Paris dépassait le score historique de 6 000 points, et que les actionnaires français sabraient le champagne au vu de la hausse record de +3,1 % réalisée cette année en termes de paiement de dividendes, alors que la croissance économique stagne à 1,3 %.

Ces informations ont de quoi jeter de l’huile sur le feu social courant sur la plaine française depuis plus d’an, et que vient de raviver la question du devenir des futurs retraités. Retraités auxquels on explique qu’il n’y a pas d’argent ! Envoyée en mission de communication par le pouvoir pour tenter d’adoucir la déclaration d’Édouard Philippe, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a annoncé que les smicards toucheront 15 euros de plus par mois en 2020. Mais avec l’inflation, ils ne feront plus en réalité que 8,75 euros. Petite précision que nous livrons à la sagacité de nos lecteurs : Mme Pénicaud, qui fut directrice du personnel de la multinationale Danone, a réalisé en 2013 une plus-value boursière de 1 129 034€ en vendant des stock-options à la suite d’un plan social dans son entreprise. La sénatrice communiste Éliane Assassi l’avait alors accusée d’avoir réalisé cette plus-value en profitant d’une « flambée boursière en faveur de Danone suite à l’annonce de la suppression de 900 emplois ».

Dividendes, Smic... La formule « capital first ! [1] » les résume. Cette règle d’or vient d’aboutir à l’enrichissement insolent d’un actionnaire de l’aéroport de Toulouse-Blagnac privatisé en 2015. Selon le Canard Enchaîné , le fonds spéculatif CASIL s’apprête à vendre 507 millions d’euros la part qu’il possède dans l’aéroport alors que lors de la privatisation, celui-ci n’avait déboursé que 308 millions d’euros pour acquérir les 49,9 % du capital appartenant à l’État. 199 millions de plus-value en 4 ans, soit plus de la moitié de la mise initiale, quel Noël pour les actionnaires de CASIL !

Cette situation n’est pas exceptionnelle. Elle rappelle celle des autoroutes. Leur prix fut, là aussi, sous évalué, comme en témoignent les bénéfices produits. Chaque kilomètre d’autoroute rapporte en moyenne 350 000 € à son propriétaire. Le pompon revient à Area avec 733 252 €/km !

« Ahurissant ! » s’exclame le magazine Auto Plus , auteur de cette révélation. Avec des marges de 20 à 24 %, les investissements initiaux sont vite amortis. Le macadam devient de l’or. Les privatisations–spoliations illustrent la connivence entre les gouvernants et le monde financier. Il s’en prépare une nouvelle avec la tentative de privatisation d’ADP (Aéroports de Paris) alors que l’entreprise vient d’annoncer un bénéfice net de 250 millions d’euros au premier semestre, soit une hausse de 22 % par rapport à 2018.

Ne pas laisser piller la nation par ces cannibales du 21e siècle devient un acte de résistance. Exiger qu’un referendum décide du sort d’ADP, un acte de salubrité publique. Chaque jour la preuve est faite que l’argent ne manque pas pour financer le Smic, les retraites et vivre décemment dans un monde plus propre.

Notes :

[1Le capital d’abord !