Un virus peut en cacher un autre...

par ANDRE CICCODICOLA
Publié le 20 novembre 2020 à 16:43

Les mauvais chiffres pleuvent comme à Gravelotte. Le Secours catholique et les associations caritatives annoncent que notre pays va bientôt compter 10 millions de pauvres, soit un million de plus qu’en 2017, date à laquelle le président Macron a été élu. Certes la Covid-19 et sa cohorte de méfaits économiques sont passés par là, mais le virus n’est pas la seule cause de ce fléau qui a cru aussi en 2018. Il frappe indistinctement les quartiers populaires des grandes villes, les bourgs et les communes rurales. Dans une lettre adressée à Macron, quelque 150 élus locaux de toutes sensibilités politiques ont lancé un SOS. Ils demandent qu’un pour cent des 100 milliards d’euros du plan de relance soit sanctuarisé pour les « territoires en décrochage », dont la « détresse sociale et économique » a été accentuée par la crise sanitaire. Selon les signataires, ce « 1 % solidarité » devrait aller prioritairement aux « associations œuvrant pour la jeunesse et les publics en difficulté », à « la création de comités locaux de solidarité », aux « maisons médicales et centres de santé » des villes les plus pauvres, ainsi qu’à « la mobilisation des acteurs de l’emploi ».

Ces 150 maires ou présidents d’agglomérations, qui représentent près de 10 millions d’habitants, rappellent au président de la République ses engagements pris en 2018 après la remise d’un rapport par l’ancien ministre Jean-Louis Borloo sur les quartiers défavorisés. Celui-ci proposait 19 programmes et 48 mesures pour « faire revenir la République » dans les quartiers face au « repli identitaire et communautaire », ainsi que la création d’un fonds de 5 milliards d’euros. « Trois ans plus tard, avant même la crise sanitaire, seules quelques mesures, portées principalement par les villes, ont pu être engagées et uniquement quatre avec le portage de l’État ! » précisent les élus.

Ils estiment que « les villes et quartiers populaires restent un angle mort du plan de relance : aucune mesure ambitieuse n’a été prise pour répondre à la détresse sociale et économique qui frappe nos communes ». Actuellement, c’est l’avenir de notre cohésion sociale et territoriale qui se joue. Le « virus » du « décrochage à la République » se développe « dans nos quartiers et même au-delà », ajoutent les signataires, pour qui « il serait irresponsable de nier que la haine et le repli sur soi prospèrent à mesure que la rupture sociale et la pauvreté augmentent ». Cette situation gravissime fait le lit des mafieux, de l’économie grise, des mouvements fascisants et des factions religieuses qui embrigadent des jeunes desperados faisant une finalité de la mort des autres et de la leur propre.

Dans une France désormais aux prises à une triple crise sanitaire, économique et désormais humanitaire, le divorce est grandissant entre un système dont le profit maximum et l’enrichissement personnel sont l’alpha et l’oméga et le règlement des urgences sociales et écologiques. Pourtant, les solutions ne sont peut-être pas aussi lointaines qu’il y paraît. La taxation accrue des profits et des nantis, la réorientation de l’économie vers des finalités sociales et écologiques, la répartition équitable des fruits du travail, l’utilisation des ressources du pays au plus près des citoyens pour leur mieux être et grâce à un renforcement déterminant du pouvoir des élus régionaux et communaux, sont autant d’objectifs réalistes. Seule une jeunesse hautement cultivée et formée peut donner et garantir un avenir à la nation tout entière. La mise en place d’un plan sur 20 ans donnant pour mission à l’Éducation nationale et aux acteurs économiques la réussite et l’excellence de chaque jeune peut y concourir. Peut-il y avoir un grand destin national sans dessein national ? Résolument non.