Cruelle sortie de crise pour la presse

par Philippe Allienne
Publié le 21 mai 2020 à 10:20 Mise à jour le 22 mai 2020

Durant la période de confinement, la presse écrite s’est battue avec beaucoup d’ardeur pour tenir bon.

Pagination parfois réduite, rapprochement d’éditions, redoublement d’attention pour l’information pratique et l’information de proximité, publication de l’attestation de dérogation de sortie à l’attention, notamment, des lecteurs qui ne sont pas équipés d’une imprimante ou, tout simplement d’un ordinateur et d’une liaison internet, contribution à la continuité pédagogique, etc. De leur domicile ou sur le terrain, les journalistes n’ont pas levé le pied et ont rivalisé d’imagination pour que leurs journaux sortent dans de bonnes conditions et sans perte de qualité. La réduction des services postaux, la baisse drastique des recettes publicitaires et les règles générales du confinement n’ont pas rendu la tâche aisée. Mais au sortir de cette crise, la presse ne se verra pas décerner de médaille. On ne lui offrira même pas celle que refuse, avec raison, le personnel soignant.

La période n’a pas seulement été dure. Elle a été et demeure cruelle. Dès le 21 avril, on apprenait la mise en liquidation judiciaire de Paris Normandie par le tribunal de commerce de Rouen. Le quotidien normand a jusqu’à juillet pour trouver un repreneur sérieux. Il allait mal avant la crise sanitaire, le confinement a, selon lui, entrainé la perte de 90 % de ses recettes publicitaires, de 60 % de ses annonces légales, de 20 % de ses annonces carnet, de 20 % de sa diffusion. De son côté, le groupe Altice médias poursuit ses manœuvres dans l’audiovisuel et lance un plan social. Altice France s’est déjà séparé du quotidien Libération.

La distribution menacée

Un nouveau danger se présente pour la presse magazine (et l’ensemble de la presse). Il porte cette fois sur la distribution. La société Presstalis, principal distributeur en France, va mal depuis longtemps. Mais un nouveau cap a été franchi le 15 mai quand le tribunal de commerce de Paris a placé la messagerie de presse en redressement judiciaire. Elle a en même temps prononcé la liquidation de ses filiales en régions, la SAD et la Soprocom. Pour la SAD, le président du tribunal disposait pourtant d’offres de reprise comme celle émanant de la Coopérative des magazines (CDM) qui venait consolider une offre de la Coopérative des quotidiens (CDQ).

La décision du tribunal de commerce de Paris fait l’objet d’une contestation de la part de la SGLCE CGT qui demande par ailleurs la tenue d’une table ronde entre les différents partenaires. Sur fond de conflit social, le ministre de la Culture, Franck Riester, a annoncé pour sa part qu’il travaille avec le ministère des Finances à un plan global pour la presse. Il dit « tout faire pour qu’il n’y ait pas de rupture dans la distribution ». En attendant, la distribution des journaux, telle qu’elle a été mise en place en 1947, est en grand danger sur l’ensemble du territoire et avec elle le pluralisme de la presse. Nos départements des Hauts-de-France ne font évidemment pas exception.