Les dérives autoritaires du pouvoir

par Philippe Allienne
Publié le 11 décembre 2020 à 12:03

Dérive autoritaire. Le mot est lâché. Si Emmanuel Macron ne sait l’entendre, c’est parce qu’il est dans le déni. On se souvient de ce fameux discours, lors de la campagne de la présidentielle, où, transfiguré, il s’était cassé la voix en défendant le projet des marcheurs : « Ce projet, je le porterai jusqu’au bout ! Je veux que vous, partout, vous alliez le faire gagner parce que c’est notre projet ! » Élu, il en a fait passer quelques volets à coups de 49.3 et d’ordonnances. Au lieu de convaincre, il impose et devient un Jupiter méprisant. Réforme de l’APL, Code du travail, statut des cheminots, loi Pacte, réforme des retraites. Sans oublier la loi Elan sur le logement, la réforme du chômage, les hospitaliers, etc. La crise sanitaire a brutalement contrarié sa frénésie et celle de ses ministres. Cette même crise a été mal gérée. Pas grave, il a toujours raison. Ses ministres aussi. Avant elle, il y avait les Gilets jaunes et les manifestations pour l’environnement. Il les a traités avec la brutalité policière que l’on sait et avec des promesses. De réforme en réforme et de crise en crise, sa méthode de gouvernement mène à une autre crise, démocratique celle-là. Les parlementaires sont dépossédés, le peuple n’a droit qu’à des interventions magistrales. Quand le président accepte de répondre aux questions de « Brut », le 4 décembre, il se cabre et peine à descendre de son Olympe. Aujourd’hui, il cristallise la colère des journalistes, des syndicats, des organisations de défense des droits de l’homme avec le projet « sécurité globale ». Il inquiète, clive et fracture avec cet autre projet visant à combattre ce qu’il appelle le séparatisme islamiste. Sur ce dernier point, ni lui ni son équipe ne parviennent à convaincre de leur foi républicaine. La défenseuse des droits, les instances européennes, la commissaire aux droits de l’homme, à l’ONU, ne cachent pas leur réprobation devant ces dérives autoritaires. A-t-on affaire à un pouvoir tellement dépassé qu’il en devient fou et menaçant pour les libertés publiques ? Même les jeunes sont dans son collimateur. Ainsi, La République en Marche, lors des discussions sur la loi de programmation de la recherche, a proposé un article punissant jusqu’à trois ans d’emprisonnement l’occupation des campus universitaires. C’est une interdiction, avec répression à l’appui, des manifestations étudiantes sur les campus. Il ne s’arrête pas là. Son ministre de l’Intérieur vient de signer, le 4 décembre, trois décrets qui autorisent le fichage des personnes en fonction de leurs opinions politiques, de leurs convictions philosophiques et religieuses, en fonction de leur appartenance syndicale. Il s’agit bien de se référer aux « opinions » et non plus, comme c’était le cas avant le 4 décembre, aux « activités ». Nous ne serons plus suspects pour nos actes, nous le deviendrons pour nos idées. Emmanuel Macron, avec la main de Gérald Darmanin, passe là où Nicolas Sarkozy - et son fichier de police Edvige de 2008 - avait dû renoncer ! Les parlementaires, c’est-à-dire les représentants du peuple, n’ont pas eu leur mot à dire. Pourtant, les services de police pourront recueillir des informations sur l’opinion des personnes surveillées, leurs pseudonymes ou sur leurs données de santé. Et demain, seules les personnes surveillées seront visées ? On voit bien que ces décrets vont bien au-delà du cadre de la sécurité publique.