Les malheurs de Charlotte

par Philippe Allienne
Publié le 19 juillet 2019 à 13:05 Mise à jour le 18 juillet 2019

Le fasciste Salvini, ci-devant ministre italien de l’Intérieur, a très probablement vécu une érection spectaculaire et inédite en apprenant, le 12 juillet, les malheurs de Charlotte. Non pas qu’il eût bandé face à la tristesse de la pauvre Liégeoise.

Non, la raison de cet orgasme tenait au responsable qui a conduit à ce désarroi : un migrant. Enfin ce qu’il en reste car, lorsque pauvre Charlotte l’a rencontré, il était à l’état de cadavre. Mort et échoué sur une plage de Zarzis, en Tunisie.

Pauvre petite Charlotte, pauvre petite touriste qui venait de débarquer dans ce pays du Maghreb afin d’y goûter un repos bien mérité. Ses valises à peine défaites, la voici qui tombe nez à nez avec un macchabée sur « sa » plage, celle pour laquelle elle a payé. Dégoûtant. Ne manquerait plus qu’une couille dans le potage servi dans son hôtel de luxe. De toute façon, tit’ Charlotte a demandé à changer d’hôtel. Le lieu était bien trop infréquentable.

Le fasciste Salvini a dû bien saliver tout en se disant que cette mésaventure lui donnait mille fois raison. Lui qui veut la condamnation de Carola Rackete, la capitaine allemande qui a sauvé la vie de quarante migrants et les a ramenés en Italie. « Une criminelle », a-t-il dit. En Italie, les habitants de l’île sur laquelle ont débarqué les rescapés n’ont pas été en reste : « J'espère que tu vas te faire violer par ces nègres », ont-ils crié à l’adresse de la navigatrice.

Mais revenons à la Tunisie et à ses plages à la qualité paradisiaque perdue. Car le pire, dans cette histoire, n’est pas imputable à la touriste belge dont nous venons bêtement de nous moquer. Le pire, c’est la manière dont l’information a été traitée par la chaîne de télévision RTL-TVI. « Un début de vacances raté pour Charlotte, commence le commentaire. La liégeoise venait d’arriver à Zarzis, En Tunisie, et elle a découvert un cadavre sur la plage ».

Une centaine de personnes ont ainsi trouvé la mort après le naufrage de leur canot parti de Libye. Mais RTL a choisi un autre angle : les vacances gâchées d’une touriste belge. Dans les rédactions et les écoles de journalisme, on appelle cela la règle de proximité. Ou du mort kilométrique. En l’occurrence, on considère que ce qui va intéresser le téléspectateur, ce sont les vacances contrariées de leur compatriote bien plus que la mort atroce d’une centaine d’étrangers qui fuyaient leur pays. C’est bien là que se trouve la couille. Pas dans le potage de Charlotte, mais dans la soupe télévisuelle.

Cette soupe bas de gamme et très bon marché s’alimente des discours politiques qui s’en prennent aux migrants. Les médias deviennent complices en banalisant le triste sort des exilés et en les rejetant, sinon à la mer, au moins dans le grand bain d’indifférence qui est plus mortel encore. Et tandis que les uns voyagent librement et jettent leur conscience au tri sélectif, les autres meurent sur la route d’un havre fermé et sont mis en terre de la manière la plus anonyme. Comme s’ils n’avaient jamais existé.