Les soutiers de la République

par Philippe Allienne
Publié le 29 mai 2020 à 16:24

Où est le «  jour d’après  » dont on a tant rêvé durant ces deux mois de confinement ? La série de mauvaises nouvelles qui tombe sur le monde économique, et les répercussions sociales qu’elles auront, sont peu porteuses d’espérances. Les promesses qui ont été faites aux salarié(e)s qui ont pris, et continuent à prendre tous les risques, sont encore loin d’être concrétisées. C’est vrai pour les soignants, les salariés de la grande distribution, les artisans et commerçants, les fonctionnaires, les enseignants, etc. Alors que la question d’une seconde vague de la pandémie se pose toujours, la question de l’économie prend le pas sur toutes les autres. Si l’on ne peut accuser l’État de n’avoir rien fait pour soutenir les entreprises (chômage partiel, prêt garanti...), on voit déjà que le système bancaire et assurantiel reprend ses droits d’avant, en refusant de prêter ou de couvrir. En même temps, on sait que les réformes antisociales entreprises avant la pandémie attendent l’occasion d’être achevées. Celle sur l’assurance chômage, dans sa phase 1, a déjà su montrer les dégâts qu’elle cause et continuera de causer. Dès la fin du déconfinement, on a vu réapparaître de timides rassemblements. Les Gilets jaunes ont fait une discrète réapparition à Lille. Avant-goût d’une remobilisation pour les services publics, la santé, les droits sociaux, l’enseignement ? Le combat peut-il être le même que celui qu’il était jusqu’en février ? Les premiers de corvée qui ont tenu le pays, qui sont restés à leurs postes durant le confinement, auraient tous les droits aujourd’hui de revendiquer une vie meilleure et de descendre dans la rue. Mais ces « soutiers », comme les appelle Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’Ifop et auteur de L’Archipel français, ne sont pas les Gilets jaunes. Avec ces derniers, dont le mouvement a démarré sur le refus de la taxe carbone, le gouvernement a eu affaire à une crise socio-politique. Avec la crise sanitaire et ses effets, il est confronté à une crise économique et sociale sans pareille. Les « premiers de corvée », ou les « premières » ou « secondes lignes », qui n’ont pas eu droit au télétravail ou au chômage partiel, celles et ceux qui vont perdre leur emploi, ne vont certainement pas laisser leur colère au placard. Pour autant, ils risquent de se sentir rapidement isolés et abandonnés face à une catégorie qui, sensible et ouverte au discours écolo, continuera comme auparavant à défendre de nouveaux modes de consommation. Le défi à relever face à une crise aussi inédite est donc particulièrement difficile. Il ne faut pas, dit le secrétaire national du PCF, céder aux sirènes qui promettent du sang et des larmes dans le chômage et la pauvreté. Le monde du travail a su montrer sa capacité à résister et à montrer la force d’une nation. Il a su servir le pays en soignant, en nourrissant, en transportant, en enseignant. Une vraie reconnaissance, avec une vie digne et protégée et avec l’assurance d’un avenir pour ses enfants lui est indispensable.