Marcher dans le muguet, ça porte bonheur

par Philippe Allienne
Publié le 3 mai 2019 à 12:14

On savait que le président Macron rivalisait de cynisme libéral avec Nicolas Sarkozy. Comme tout bon élève, il dépasse le maître et atteint des sommets. Lors des cérémonies du 1er Mai àl’Élysée, à grands renforts de professionnels des métiers de bouche et de fleuristes, lui et son épouse ont reçu le traditionnel muguet des mains du patron du marchéde Rungis.

Et tandis que se déroulait le défilé des organisations syndicales, sous l’œil et la matraque levée des forces de l’ordre, le président de « tous les Français » a cru bon de lâcher cette phrase : « Le 1er Mai est la fête de ceux qui aiment le travail et le chérissent, parce qu’ils savent que par le travail, on construit son avenir et l’avenir du pays [...]. Il ne faut jamais perdre le fil de ce qui est notre histoire et donc un peu de bon sens ».

Pour lui, le 1er Mai est la fête du travail et, on a compris son allusion, les manifestations sont un terrain propice aux méchants casseurs, Black Blocs ou -c’est tout nouveau Benalla Blocs. M. Macron évoque l’Histoire pour mieux l’insulter. Le 1er Mai est la fête des travailleurs. C’est le jour oùl’on rend hommage àcelles et ceux qui ont été fusillés àFourmies en 1891, massacrés ou pendus àChicago le 4 mai 1886. Le 1er Mai, c’est le symbole de la lutte des travailleurs pour leurs droits, pour leur dignité.

Parmi les ministres présents pendant les déclarations fumeuses de leur héros, Muriel Pénicaud, fossoyeuse en chef du code du travail, trônait évidemment en bonne place. Ce n’est que justice. Pour cette dame sourire qui n’oublie jamais de prendre soin de la santéde son compte en banque personnel -en toute légalité cela va sans dire « la réforme du code du travail commence àporter ses fruits ». C’est ce qu’elle annonce fièrement au quotidien Les Échos datédu 30 avril.

Àla veille de la fête des travailleurs, méprisant totalement les luttes ouvrières et oubliant les violences policières subies en 2015 àl’occasion des manifestations contre la réforme de la ministre de François Hollande, Myriam El Khomri, Madame Pénicaud s’enorgueillit du mal qu’elle a gravement contribuéàaggraver. Point d’orgue de son entretien avec Les Échos, elle se dit particulièrement fière et satisfaite de la rupture conventionnelle collective et par les accords de performance collective instaurés par sa réforme.

Nous avons expliqué, dans nos précédentes éditions, la perversité et le machiavélisme de ces dispositions qui permettent notamment d’allonger le temps de travail ou de réduire la rémunération, voire d’imposer de la mobilité, àdes salariés qui n’ont plus aucun moyen de se défendre. Ou ils acceptent, ou ils sont licenciés « pour motif personnel ». Autrement dit, ils peuvent être virés sans préavis ni indemnité. Les salariés de l’usine Bridgestone, àBéthune, en savent quelque chose. Voilàce que l’équipe du président Macron réserve aux classes les moins favorisées de notre pays : un immense bond social en arrière qu’elle considère comme une « conquête de chaque jour » pour l’ordre libéral. Ce n’est peut-être pas du muguet que, pour leur bonheur, il fallait apporter au couple Macron.