Passeurs de mémoire contre jeunes cons

par Philippe Allienne
Publié le 24 mai 2019 à 12:55

La campagne électorale pour les Européennes a donné à voir un festival inédit d’anticommunisme. La liste conduite par Ian Brossat est la cible préférée du marketing journalisme. Le service public, France Télévisions en tête, aura été le premier à dégainer son arme anti-partis-minoritaires et par la même occasion anti-communiste en évitant soigneusement d’inviter Ian Brossat, ou en le marginalisant.

Pas de bol, leur stratégie s’est montrée contre-productive quand le candidat communiste a crevé l’écran, réveillant les observateurs les plus avachis dans leur peur du bolchevisme rampant. Ils découvraient que l’enfumage habituel ne fait pas le poids face à des idées clairement et calmement exposées. Mais la lutte n’a de cesse de continuer. Si l’on cherche à lui interdire, ou à lui restreindre l’entrée sur les plateaux, Ian Brossat ne peut faire l’économie des canaux médiatiques. Alors, il se rend dans les studios d’une des émissions les plus rances du privé : Les « Grandes Gueules »de RMC. Au micro, un spécialiste de Paris Saint-Germain qui n’a pas lu Protche (un vrai spécialiste et véritable amateur de PSG). Riolo, Daniel de son prénom, se prétend journaliste et s’improvise historien-politologue. Et cela donne, à propos du Parti communiste : « C’est la collaboration avec les nazis ».

L’horreur absolue, produit de l’inculture et de la bêtise pure. Son interlocuteur n’en revient toujours pas mais demeure digne en invoquant l’insulte faite au parti des fusillés. Riolo le rigolard n’est pas un cas isolé. Le temps est à l’anticommunisme le plus primaire. Un effet, sans doute de la macronie, un faux concept faiseur de fake news mais vrai lissage de la pensée et producteur de révisionnisme. Autre militant zélé et déboutonné, le directeur de l’Institut de recherches économiques et fiscales, Nicolas Lecaussin ne vient-il pas de s’étrangler, dans le Figarovox, des 4% dont la liste « Pour l’Europe des gens contre l’Europe de l’argent » est créditée dans les sondages.« Je n’aurais jamais imaginé que, trente ans après la chute du communisme, il y aurait encore un parti communiste en France », éructe-t-il avant d’ironiser sur le communiste français : « pourrait-il y avoir aussi un nazi ‘’new look ‘’ ? ». Daniel Riolo est né en 1970. Nicolas Lecaussin en 1969.

Ni l’un ni l’autre n’ont connu la Seconde Guerre mondiale, ni l’un ni l’autre ne semblent avoir accès à l’Histoire et à la réflexion qu’elle suscite. Ils n’ont que mépris pour l’humain. Quand Odette Nilès, 95 ans aujourd’hui, fiancée de Guy Mocquet, fusillé à 17 ans par les nazis, lui propose de la rencontrer, il a ce mot abject : « Si c’est pour parler avec des grands-parents communistes… bah j’ai eu les miens, donc ça va, j’en sais assez ! ». Non, nous n’en savons jamais assez. Et un journaliste doit se montrer particulièrement curieux. Comment le jeune sot Riolo, comment le jeune sot Lecaussin pourraient-il connaître Pierre Charret, résistant et chevalier de la Légion d’honneur ?

Pierre Charret qui nous envoie ce texte vibrant d’émotion et de vérité : « Je suis profondément indigné par les interpellations insultantes proférées contre le Parti communiste lors d’une émission électorale de RMC à l’adresse de Ian Brossat.Cette provocation déshonore ses auteurs et RMC. J’apporte mon entier soutien à Ian Brossat dont la digne riposte fait honneur à la mémoire et aux sacrifices du Parti des fusillés. » La dignité de celles et ceux qui ont souffert, qui connaissent la vie, contre la suffisance de jeunes cons.