Le Hirak a bien-sûr été suspendu durant le confinement. Mais dès l’Aïd-el-Fitr, qui célèbre la fin du Ramadan, les manifestations ont tenté de reprendre la rue. Elles se sont par la suite amplifiées lorsque les règles du confinement ont été un peu relâchées. Ce n’est évidemment pas du goût des autorités qui, après avoir pensé prolonger le confinement, en sont revenus à leurs bonnes vieilles méthodes : intimidation, répression, arrestations, condamnations. Les arrestations de manifestants ne sont pas nouvelles. Il y en a eu de nombreuses, avant la crise sanitaire, pour avoir brandi le drapeau amazigh (la culture berbère) aux côtés du drapeau national. Les journalistes et les bloggers sont eux aussi ciblés, comme au méchant vieux temps du terrorisme islamiste, lors de la décennie noire des années quatre-vingt- dix.
Mais récemment, les autorités ont franchi un pas supplémentaire dans l’ignominie. Le 21 juin, la justice a fêté l’été en condamnant à un an de prison ferme une gynécologue de 44 ans et mère de deux enfants. Il faut dire qu’Amira Bouraoui n’est pas une militante de la dernière heure. Elle s’est notamment fait connaître en 2014, au sein du mouvement « Barakat » qui s’opposait à un quatrième mandat de Bouteflika.Cette fois, on est allé chercher une loi datant des années 2000, promulguée sous Bouteflika, condamnant l’offense à l’islam et au président de la République. Le nouveau président Abdelmajid Tebboune ne doit, comme la religion, être mis en cause. Mais comme si cela ne suffisait pas, Amira Bouraoui a aussi été poursuivie pour « incitation à violer le confinement » en « exposant directement la vie d’autrui ou son intégrité physique à un danger » durant la crise du coronavirus.
On aura tout vu, tout entendu. Alors que le Hirak, qui demeure fort heureusement pacifique, persiste à refuser de se trouver des représentants politiques et à ne pas se donner une vraie organisation, le pouvoir algérien montre plus que jamais les dents. L’opposition, il n’en veut décidément pas. Comme au temps de Bouteflika, il a adopté, pour le durcir, un nouveau Code pénal en plein confinement, le 22 avril. Cela aboutit à des centaines d’arrestations pour manifestation interdite. La plupart des personnes interpellées sont relâchées rapidement. Ce n’est pas le cas d’Amira Bouraoui. Ce n’est pas le cas d’une soixantaine de personnes actuellement détenues pour leur participation au Hirak. Un Hirak qui pourrait pourtant, qui devrait, être la grandeur de l’Algérie.