Pourquoi un Grenelle des violences conjugales ?

par Philippe Allienne
Publié le 6 septembre 2019 à 10:54

Fallait-il vraiment organiser un Grenelle des violences conjugales ? Les urgences pour prévenir les féminicides et les violences contre les femmes en général sont connues depuis longtemps. On connaît aussi les carences en la matière. Les places d’hébergement pour les femmes en danger sont largement insuffisantes. Il faut parfois attendre des mois pour en libérer une. C’est absurde.

D’une façon générale, on tourne autour du problème depuis une vingtaine d’années au moins. On peut alors comprendre la colère de l’ex-procureur Luc Frémiot contre la ministre Marlène Schiappa. A quoi sert-il, en effet de se polariser sur la mise à l’abri de femmes violentées par leur mari quand on sait que les moyens ne sont pas à la hauteur ? Mais surtout, quel est le sens d’éloigner la femme violentée, agressée, mutilée, tourmentée ? Est-ce bien elle qu’il faut priver de son logement, de son environnement. Que fera-t-elle hors de ses repaires ? Que fera-t-elle avec ses enfants ? Comment pourra- t-elle reprendre une vie normale, avec une activité normale, avec des réflexes de femmes libre quand on l’aura punie ?

En cela, le procureur a raison. C’est l’agresseur qui doit être éloigné du domicile, c’est lui qui doit suivre un traitement, c’est lui qu’il faut soigner de sa violence en le coupant de l’environnement où il se sent maître en la demeure et ne sait maîtriser ses actes. Le diagnostic est connu. Chaque année en France, 140 à 150 femmes meurent sous les coups de leur mari, de leur compagnon ou de leur ex. Cette année, alors que ces violences sont particulièrement médiatisées, on compte déjà 101 victimes. Pourquoi rien ne bouge-t-il ? Parce qu’il faut des moyens, des mesures de prévention, d’éducation et de formation.

Le Grenelle de Marlène Schiappa est inutile si l’on ne tient pas compte des textes qui existent déjà mais qui ne sont pas appliqués. C’est le cas pour cette loi de 2001 qui impose des séances sur la sexualité au collège et au lycée. Il prévoit au moins trois séances annuelles. Faute de moyens, et de personnes compétentes recrutées à l’extérieur des établissements, il n’en existe pratiquement aucune.

De la même façon, aucune suite n’a jamais été donnée à la convention d’Istanbul sur la prévention de la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Il s’agit d’un texte du Conseil de l’Europe qui porte sur 81 articles. Restés lettre morte. Ce texte repose pourtant sur l’idée que l’on parle bien d’une forme de violence sexiste dans la mesure où elle est exercée sur les femmes parce qu’elles sont des femmes.

Cette convention stipule qu’il incombe à l’ État, sous peine d’être en faute, de lutter efficacement contre cette violence sous toutes ses formes en prenant des mesures pour la prévenir, en protégeant les victimes et en poursuivant les auteurs. Selon la convention, il est clair que la parité ne sera pas une réalité tant que la violence sexiste persistera à grande échelle, au vu et au su des organismes publics et des institutions. Tout le travail reste à faire, Grenelle ou pas.