Solidarité à sens unique

par Philippe Allienne
Publié le 26 avril 2019 à 17:02 Mise à jour le 30 avril 2019

Et la voici revenir, cette détestable petite musique du « travailler plus... ». Nicolas Sarkozy vouait un culte à la « France qui se lève tôt » pour mieux fustiger les chômeurs sensés êtres d’indécrottables fainéants. Il assortissait son exhortation d’une promesse d’un meilleur compte en banque (ou d’un moins gros découvert en fin de mois) : « Travailler plus pour... gagner plus ».

Tire-au-flanc

Il s’agit plutôt de marcher dans les pas du vieux Raffarin qui, en 2004, avait lancé la généreuse idée d’une journée travaillée offerte au patron (le lundi de Pentecôte) afin qu’il en reverse une partie au profit des personnes âgées. Les résultats avaient alors été très controversés et Dominique de Villepin avouait en 2006 que les bénéfices n’étaient « pas calculables ». Dans son allocution non diffusée, le soir de l’incendie de Notre-Dame, le président évoquait bien la question de l’allongement du temps de travail. En attendant qu’il précise sa pensée lors de sa prestation télévisée de ce jeudi 25 avril (après que nous ayons mis sous presse), les médias se perdent en conjectures, comme l’on dit. Mais la députée et porte-parole Lrem Aurore Bergé a déjà dit beaucoup dans une interview au Journal du Dimanche du 21 avril : « La suppression d’un jour férié est un premier pas nécessaire ».

Et pour défendre cette position, elle croit utile d’ajouter que «  nos concitoyens ne sont pas des tire-au-flanc ». En fait, à la veille de l’intervention d’Emmanuel Macron, trois pistes étaient évoquées pour trouver de nouvelles recettes et financer l’autonomie et les retraites : la suppression d’un jour férié, la liquidation définitive de la semaine de 35 heures (tellement atteinte déjà que le patronat s’en moque) pour revenir aux 39 heures, le recul de l’âge de la retraite (ce qui dans les faits est de toute façon acquis). Quoi qu’il arrive, le président s’attaque au temps de travail pour répondre aux revendications des Gilets jaunes et il le fait à quelques jours de la fête des travailleurs. Comment ne pas sentir de mépris dans cette attitude ? Surtout, on peut se demander si la méthode Macron n’est pas arrivée au bout de ses limites. Le « travailler plus » n’a jamais fait la preuve qu’il est créateur d’emploi.

Ce n’est pas le cas de la semaine de 35 heures (350 000 postes créés ou sauvegardés entre 1998 et 2002). Par ailleurs, le fait d’affirmer que la France est l’un des pays d’Europe où l’on travaille le moins est faux. La durée moyenne hebdomadaire des salariés français est de 36,3 heures. Elle est légèrement supérieure en Espagne et au Royaume-Uni, elle est inférieure en Suède (36,2), en Italie (35,5), en Allemagne (34,8), au Danemark (32,3), aux Pays-Bas (29,3).

Une méthode en bout de limite

Mais une fois encore, l’exécutif s’oriente sur le même chemin : faire payer les salariés, les retraités, les moins riches tandis qu’il chouchoute les employeurs en diminuant les cotisations sociales (pour remplacer le Cice) et en continuant à soigner les plus riches en réduisant leurs impôts. De leur côté, les chômeurs, les moins nantis, les retraités, les personnes âgées ne voient rien venir de positif. Au contraire.