Avec l’arrivée de la pandémie, Emmanuel Macron et le gouvernement ont plongé dans l’inconnu. En mai 2017, lorsqu’il avait été élu à la tête de l’État, il avait prévenu « Ce ne sera pas tous les jours facile, je le sais. La tâche sera dure. » Lui qui voulait alors réformer vite et en profondeur, se défiant des codes pour mieux remettre en cause notre protection sociale et les conquis des « Jours heureux » ne pouvait certainement s’attendre à devoir bloquer ses réformes trois ans plus tard. La crise sanitaire le surprend comme elle surprend le monde entier. Nul doute qu’il s’en serait bien passé. Sûr de lui, droit dans ses bottes, le voilà obligé de s’adapter, à son tour, à ce qu’Edgar Morin nomme « l’inattendu » (lire ci-dessous). Il faut bien reconnaître qu’il sait s’adapter. Ce qui apparaît comme de l’improvisation, voire de l’inconséquence vis-à-vis de la crise sanitaire, le renforce en fait dans sa capacité à changer notre société. Aux ministres, à son équipe, de passer éventuellement pour des bricoleurs. Macron sait qu’il joue un jeu très dangereux (notamment avec la perspective de ce duel redouté et annoncé en 2022), mais il ne plie pas. Les hésitations de ses ministres face aux méthodes pour résister face à une pandémie qui ne cède rien, il croit en des « jours d’après » qui referont la part belle au libéralisme. La détresse psychologique d’un peuple obligé de vivre entre couvre-feux et confinements, qui doit s’accommoder d’interdits de plus en plus lourds, ne le détourne pas de ses objectifs. Pourtant, les Françaises et les Français ne sont pas dupes. Leur désarroi ne les fait pas tomber dans le désespoir, la résignation, l’acceptation sans condition. Aux Pays-Bas et au Liban, les restrictions mènent le peuple - ou au moins une partie du peuple - à se révolter. Ici, sans présager de ce qu’il pourrait se passer demain, la lucidité semble l’emporter. Très tôt, en fait dès le premier déconfinement, les gens sont ressortis dans la rue, non seulement pour trinquer dans les cafés, mais d’abord pour protester contre les lois liberticides en préparation. Les projets de loi « sécurité globale » et « séparatisme » ne passent pas, pas plus que les violences policières. Les Gilets jaunes, qui demeurent certes en arrière-plan, n’oublient pas leurs revendications. Comme si, après tout, le danger d’atteinte en profondeur à nos libertés, apparaissait bien plus important que les restrictions ponctuelles motivées par la crise sanitaire et la nécessité de venir à bout du ou des virus. Celles et ceux qui, en France, descendent dans la rue avaient bien pris conscience, avant l’arrivée du coronavirus, des enjeux environnementaux et de la nécessité de se battre pour les droits sociaux, pour l’égalité, contre le racisme et contre les discriminations. Face à un président qui, quoi qu’il en soit, garde des allures jupitériennes, le peuple sait qu’il a à combattre une hypothèse totalitaire qui reposerait sur la surveillance et sur la force au profit de l’argent et de la domination. Loin de le rendre fou de désespoir ou résigné à porter la laisse, la crise le mène à devenir plus fort et plus responsable de son devenir.
Un peuple responsable et lucide face à la crise
Publié le 29 janvier 2021 à 10:50