20 septembre 1992…

par JEROME LEROY
Publié le 23 septembre 2022 à 10:43 Mise à jour le 21 septembre 2022

Baudelaire explique quelque part l’importance de « dater sa tristesse. » On pourrait dater une certaine tristesse française du 20 septembre 1992. Il y a trente ans, la France ratifiait le traité de Maëstricht. Le Oui l’emporte alors à une faible majorité avec un peu plus de 51% des voix. On se rappelle que ce traité inscrivait notamment la création d’une monnaie unique et donc, les perspectives austéritaires qui furent la norme pour les décennies à venir. Nous y sommes toujours. J’avais voté pour le Non, comme tous les communistes, pour m’opposer aux politiques libérales qui ne manqueraient pas de dévaster le vieux continent et accentueraient la montée de ce qu’on appelait encore l’extrême-droite et qu’on appelle maintenant de manière plus floue «  les populismes. » Cela s’est tristement vérifié, particulièrement en France puisque dix ans plus tard, Le Pen était au second tour. Voter Non, c’était faire de la nation, en France particulièrement, la dernière tranchée d’un modèle social hérité du CNR. Mais à gauche, les socialistes et le président Mitterrand expliquaient que le Oui était la seule solution possible. Déjà, à cette époque, un certain chantage médiatique, pas aussi puissant cependant qu’à notre époque de chaînes d’infos et de réseaux sociaux, expliquaient qu’un non à Maëstricht provoquerait des catastrophes économiques, des replis nationaux et qu’on se retrouverait avec la guerre en Europe. On peut sourire avec une certaine amertume, aujourd’hui quand on voit des combats entre armées russe et ukrainienne autour d’une centrale nucléaire et des gouvernements préparer leur population à la «  fin de l’abondance », sauf évidemment pour les actionnaires. Je ne sais pas ce que mon grand-père, socialiste d’avant guerre qui avait voté Oui en 92 aurait pensé de la suite, s’il aurait enfin vu le caractère profondément antidémocratique de cette Union Européenne qui est la seule construction supranationale à avoir inscrit une politique économique dans le marbre, à savoir un libre-échangisme suicidaire socialement, et comme on s’en rend compte maintenant, notamment depuis la pandémie, désastreux écologiquement. Je ne sais pas ce que mon grand-père aurait pensé du Non français au referendum de 2005 devenu un Oui, en 2010, sous Sarkozy, par une manip parlementaire. Je ne sais pas non plus, ce qu’il aurait pensé de la remise au pas de la Grèce ayant élu une majorité de gauche pour sortir d’une austérité inhumaine, un peu à la manière dont Moscou remettait au pas les pays frères, à cette différence qu’il n’y avait plus besoin de chars mais que des distributeurs vides suffisaient. Trente ans plus tard, tout le monde a compris qu’on ne pouvait plus vraiment sortir du piège et que le seul et mince espoir est que la France entame un jour un bras de fer pour renégocier les traités. Et ce n’est manifestement pas la France de Macron, pour qui l’Union Européenne est le terrain de jeu idéal pour le capitalisme, qui s’y collera.