AstraZeneca : un problème de riches

Publié le 30 avril 2021 à 17:32

Je ne suis pas sûr que l’idée de Jean Castex de faire vacciner Sheila à l’AstraZeneca soit l’initiative du siècle. Néanmoins, cela m’a rendu Castex sympathique pour la première fois. Je l’imagine, entre deux Conseils de défense, écouter « Mais oui, mais oui, l’école est finie  », chanson qui ne doit pas beaucoup plaire à Blanquer, mais c’est une autre histoire. Un homme qui pense à Sheila en pleine crise sanitaire ne peut pas être tout à fait mauvais. D’ailleurs, vouloir sauver le soldat AstraZeneca est tout à son honneur. Pas seulement parce que la stratégie vaccinale risque de connaître quelques difficultés supplémentaires si les centres de vaccination qui proposent l’AstraZeneca ferment parce que les gens n’en veulent pas, mais aussi parce que cette attitude de refus dit beaucoup de notre époque. À savoir que le citoyen ne se considère plus comme un usager quand il prend un transport en commun, comme un parent d’élève quand il met ses enfants à l’école ni comme un patient quand on veut le vacciner. Mais dans tous les cas de figure, comme un consommateur. On voit là les résultats d’une société de marché. On a dépassé les cent mille morts, la tension hospitalière est toujours à 116 % et on tourne à 35 000 contaminations par jour. Mais bon, vous comprenez, moi, je préfère le Pfizer à l’AstraZeneca, comme on préfère une BMW à une Mercedes. Si en plus on pouvait choisir la couleur, ce serait parfait. Il semble que la peur des vaccins à ARN messager soit bien loin : on ne craint plus de se retrouver avec de la 5G dans le sang qui nous transformera en zombies de Bill Gates. Ce retournement a quelques circonstances atténuantes : l’AstraZeneca « bashing [1] » est le fils délirant du principe de précaution qui n’est pas, quoi qu’on en dise, une spécialité française mais plutôt scandinave. Il suffit de voir comment se sont comportés le Danemark et la Norvège. Mon généraliste m’a appelé il y a un petit mois pour me proposer la vaccination. J’étais encore hors cadre. Plus de 55 ans, mais pas de comorbidités. J’ai dit oui, parce que je n’ai pas de préférence entre BMW et Mercedes, et que je veux d’abord pouvoir emprunter la bretelle d’accès à une vie normale. Après tout, les Brits qui s’en sortent beaucoup mieux que nous en matière de vaccination ont utilisé pour l’essentiel l’AstraZeneca et il n’y a pas eu de décès en masse pour cause de thrombose. Je ne crois pas qu’ils bénéficient d’une physiologie très différente de la nôtre. Ou alors (je fais une hypothèse à la Raoult), ils sont protégés des effets secondaires grâce au fish and chips et au Laphroaig. Ça tombe bien, j’adore ça. En attendant, faire la fine bouche ou la fine épaule devant un vaccin contre cette saloperie, quel qu’il soit, c’est vraiment un problème de riches. Là où l’on devrait remercier la science, s’émerveiller du génie humain, on fait des manières, incapables d’évaluer un risque. Allez, un bon geste, et comme dirait à peu près Sheila : « Donne moi ta main et prends la mienne, mais oui mais oui, l’AstraZeneca c’est pas fini.  »

Notes :

[1Le dénigrement de l’AstraZeneca.