Castex m’énerve

par LEROY JEROME
Publié le 18 septembre 2020 à 10:41

Castex m’énerve. À chaque fois que j’entends son nom, je rajoute « et Surer ». Le Castex et Surer a été ce manuel de littérature à l’usage des classes de lycée qui a servi à des générations de l’après-guerre. J’ai encore un volume, celui du XVIIème, dans son édition de 1947 qui a appartenu à mon père, lycéen à Dieppe en « seconde moderne » pour l’année scolaire 1952-1953. Le Castex du Castex et Surer, au moment où il publiait son Manuel des études littéraires françaises, était ancien élève de l’École Normale Supérieure et maître de conférences à la faculté de Lettres de Lille.

Il s’appelait Pierre-Georges et était né en 1915. Wikipédia ne nous en dit guère plus alors que l’encyclopédie est devenue très bavarde sur l’autre Castex, Jean, qui est devenu Premier ministre. Je me demande si Pierre-Georges aurait fait un bon Premier ministre. Il a fini à l’Académie des sciences morales et politiques mais il aurait pu, à un moment, se présenter à une mairie. J’imagine un profil radical-socialiste, quelque chose de raisonnablement progressiste ou alors un gaulliste comme on était gaulliste à cette époque-là. Bref, pas franchement le profil de notre Castex à nous qui n’a rien de gaulliste ni de radical-socialiste et tout de cette noblesse d’État technocratique masquée par un accent du Gers et un mandat local.

La déclaration de politique générale de Castex et Surer, dans leur manuel, c’est leur préface. Et déjà, la forme est rassurante. Rien du néo- patois managérial, avec des « impacter » ou de la« co-construction ». On parle bien d’une « exigence de renouvellement » comme n’importe quel macroniste mais cette exigence de renouvellement est une sage adaptation : « Nous avons également tenu compte de l’évolution du goût. L’histoire littéraire se renouvelle constamment ; chaque génération révise et modifie les jugements de celle qui l’a précédée ; et s’il importe de ne jamais céder aux caprices de la mode, il n’est pas permis d’entretenir par un respect de la tradition, des préjugés évidents ».

Relisons bien ces lignes. Notre Castex à nous ferait bien de s’en inspirer. Elles définissent peut-être ce qui fait, ou faisait, une forme de génie français en histoire littéraire comme en politique. Montrer enfin - nous sommes en 1947 - « l’importance réelle d’un Verlaine, d’un Rimbaud, d’un Mallarmé ». Mais sans oublier pour autant de donner leur place à des anciens trop oubliés ou sous-évalués. Autant dire un remaniement ministériel audacieux, pour gouverner la République des Lettres et pas un jeu de chaises musicales avec quelques personnalités disruptives pour faire les malins, comme ce gouvernement branquignolesque, incapable de penser l’économie en termes de relance, incapable de gérer l’épidémie, moitié par incompétence, moitié par cynisme. Oui, décidément, Castex m’énerve.