Darmanin ouin ouin

par JEROME LEROY
Publié le 16 décembre 2022 à 09:23

À vrai dire, je n’ai aucun mal à me souvenir de la date puisque dans la nuit, l’armée russe avait déclenché les hostilités en Ukraine. C’était le 24 février 2022, j’étais arrivé à Nice pour présenter mon dernier roman dans le cadre d’une invitation de Nice en commun, une association culturelle proche du parti communiste. La librairie qui s’occupait des livres apportés au local de Nice en commun s’appelait Les Parleuses. Elle s’appelle toujours d’ailleurs, et c’est tant mieux. Ce soir-là, j’étais interrogé par ma copine écrivaine Michelle Pedinielli et une des deux libraires des Parleuses, Maud. Les Parleuses, on les trouve à Nice à l’angle de la rue Defly et de la Place Marshall. En plus de Maud, on y trouve Anouk. La librairie elle-même, j’y suis passé le lendemain, le 25 février. On peut aussi y boire du café ou un Prosecco en terrasse (oui, même en février, on est à Nice, pas à Lille). La libraire dispose d’un rayon féministe bien fourni, mais on y trouve aussi de quoi faire son bonheur en littérature générale Si je vous parle des Parleuses, c’est qu’on en a un peu parlé cette semaine dans la presse régionale et nationale, mais à mon avis, on en a parlé trop peu, tant ce qui est arrivé est symptomatique de ce qu’on pourrait appeler le libéralisme autoritaire, une des caractéristiques les plus évidentes du macronisme, notamment en matière de maintien de l’ordre, depuis les Gilets Jaunes. Une des deux vitrines donne sur l’ancien Hôpital Saint-Roch qui va être incessamment sous peu reconverti en Hôtel de Police (déjà c’est tout un symbole). Et il se trouve que Darmanin, le ministre de l’Intérieur, la jambe très très à droite de Macron (mais Macron a-t-il jamais eu une jambe gauche ?) est venu en visite à Nice pour voir où en étaient les travaux de la future maison poulaga. Il se trouve aussi que peu de temps avant, Les Parleuses, Anouk et Maud, avaient reçu Hélène Devinck, une autrice qui est venue présenter Impunité, un livre où il est question de Poivre d’Arvor, accusé de viol par plusieurs femmes. Et il se trouve que Darmanin aussi a été accusé de viol, a obtenu un non-lieu même si on vient d’apprendre que ce non-lieu est contesté en appel. Bref, un collectif féministe, devant la coïncidence, décide de procéder à des collages, avec l’accord des Parleuses du genre « Qui sème l’impunité récolte la tempête » ou « Sophie on te croit », Sophie étant, elle l’accusatrice de Darmanin. La police arrive et s’aperçoit qu’elle ne peut pas retirer les collages puisqu’ils sont faits à l’intérieur de la libraire et que donc le ministre Darmanin va forcément passer devant et avoir un gros chagrin, une grosse colère ou les deux à la fois. Bref, les pandores ne trouvent rien de mieux à faire que… d’occulter les vitrines de la librairie avec des draps noirs ! Et interdiction aux Parleuses de les retirer tant que Darmanin sera dans les parages. Bref, il faudra m’expliquer en quoi la France macroniste de 2022, en l’espèce, diffère d’Orban en Hongrie ou ce qu’aurait fait Marine Le Pen si elle avait été élue. Sinon si vous passez par Nice, allez aux Parleuses. Aux dernières nouvelles, il n’y a plus de drap noir.