Écoute-moi, macroniste…

par JEROME LEROY
Publié le 20 janvier 2023 à 10:11

Que tu sois député, journaliste, éditorialiste aux ordres, blablateur rémunéré à la pige sur les plateaux de télévision, économiste libéral, il y a plusieurs choses qu’il faut que tu comprennes. Oui, toi, tellement persuadé de ta supériorité intellectuelle, en fait tu ne comprends pas grand-chose à ce qui se passe dans ton propre pays en ce moment précis alors que nous attendons tous, comme disait Apollinaire, la minute prescrite pour l’assaut. L’assaut que tu mènes contre nous, la contre-attaque que nous allons lancer contre toi. Tu as rêvé d’un monde sans lutte des classes, tu as eu tort. Tu ne peux pas t’attendre à ce que des gens ne se révoltent pas en apprenant du jour au lendemain qu’il leur faudra travailler toujours plus longtemps pour toujours moins pendant que tu dépèces tranquillement, à coup de privatisations rampantes, tous les services publics qui nous appartenaient : l’hôpital, l’école, l’énergie, la poste, les transports… Tu répètes toujours les mêmes choses, attends-toi à ce qu’on te répète toujours les mêmes choses, nous aussi. Tu dis que personne n’a été pris en traitre, que la retraite à 65 ans était inscrite dans les promesses du candidat Macron. Faut-il donc te rappeler que Macron ayant tout fait pendant cinq ans pour avoir Marine Le Pen en face de lui, voter pour Macron au second tour, c’était voter contre Marine Le Pen ? En aucun cas pour ton champion, et encore moins pour son programme. Tu dis que nous n’avons pas à nous plaindre, que tous les autres pays européens partent plus tard en retraite que nous. Et alors, pourquoi faudrait-il s’aligner ? Et puis, c’est quoi, cet argument ? Si on avait fait comme les autres pays européens en 1789, il n’y aurait pas eu de Révolution… Tu dis que l’espérance de vie a augmenté mais tu oublies de dire qu’en bonne santé, ça n’a pas bougé. Encore une fois, de toute façon, cet argument est ignoble. Au nom de quoi ce serait toi qui décrèterais le temps que nous aurions le droit de vivre en étant à la retraite ? Tu te prends pour Dieu ? Tu nous dis que le système va s’écrouler, qu’il est déficitaire. D’autres disent le contraire, qui sont aussi compétents que toi. Et puis tu parles comme un comptable, et nous, nous te parlons de politique, c’est-à-dire d’une vision du monde. Financer la retraite à 60 ans serait possible. Question de volonté politique. L’argent, ça se trouve toujours. Explique-moi comment, dans la France de 45 en ruine, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, on a pu créer la Sécurité sociale. Et puis là, je t’ai bien écouté : tu mises sur notre fatigue. Tu te dis que même si on est opposé, on n’aura plus la force d’aller dans la rue. Qu’on est épuisé par le Covid, l’inflation, la guerre en Ukraine, le climat qui déraille… Qu’on a peur, qu’on est anxieux. Ce n’est pas beau de miser sur le désespoir des gens. Et puis c’est dangereux. Tu ne sais pas comment nous pourrions réagir. Peut-être avec la même violence que toi. Tu te souviens de ce que dit Rousseau dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes : « L’émeute qui finit par étrangler ou détrôner un sultan est un acte aussi juridique que ceux par lesquels il disposait la veille des vies et des biens de ses sujets. La seule force le maintenait, la seule force le renverse. » Fais attention, macroniste, on arrive.