La démocratie selon Stéphane Séjourné

par JEROME LEROY
Publié le 13 janvier 2023 à 10:08

Alors comme ça, Stéphane Séjourné, chef du parti présidentiel Renaissance, vient d’exprimer sa plus grande crainte pour 2023. La faillite programmée des boulangers ? Les urgences saturées malgré les vœux lunaires du Réélu aux professionnels de santé ? Les températures en France en 2022 qui ont été sur l’ensemble de l’année d’une moyenne de 14,5 degrés avec des glaciers qui se font la malle ? Mais non, vous n’y êtes pas du tout. Enfin réfléchissez un peu, s’il y a un danger en France, ce sont les hordes de LFI, prêtes à envahir les lieux de pouvoir parce qu’ils ne seraient pas d’accord avec le résultats des urnes de la dernière présidentielle. Bref, que les militants de LFI, et pourquoi pas tous ceux de la Nupes, se comportent comme la fraction radicalisée des bolsonaristes du 8 janvier. Séjourné a été très précis, avec une jolie prétérition fielleuse sur Public Sénat : « Les démocraties doivent se protéger de tout ça . (…) La tentation de remettre en cause la légitimité politique. » Et de préciser : « On voit bien de la part de LFI, je ne veux pas les nommer, mais il y a eu une tentation d’expliquer que la légitimité des élus était remise en cause pour telle et telle raison et il faut faire attention. » Rappelons tout de même les faits. Dimanche 8 janvier 2023, dans un mimétisme qui devrait leur valoir des demandes de royalties de la part des milices trumpistes du 6 janvier 2020 devant le Capitole, les partisans de Bolsonaro s’en sont pris sur la place des Trois-Pouvoirs, au Palais présidentiel, au Congrès, et à la Cour suprême. Était-ce parce que ces bâtiments avaient été conçus par Oscar Niemeyer, à qui l’on doit aussi le siège du PCF ? Peut-être, mais ce n’était pas leur motivation principale. Leur motivation principale, c’était d’inciter l’armée au putsch. Le bilan de la journée au Brésil, c’est, outre trois cents arrestations, la déprédation d’un certain nombre d’œuvres d’art du patrimoine national, ce qui, à défaut de surprendre de la part de ce type de « patriote », reste tout de même assez désolant. Mais revenons à notre Séjourné. Penser à LFI plutôt qu’au RN (par exemple) à propos de ce qui s’est passé au Brésil indique bien l’ennemi prioritaire de la macronie. La gauche. Et rien que la gauche. Ce n’est pas plus compliqué que ça. On rappellera qu’aux dernières législatives, (coucou Blanquer !), dans tous les duels de second tour entre la Nupes et le RN, le renvoi dos à dos par les macronistes de la gauche et de l’extrême-droite a permis l’élection de plusieurs dizaines de députés lepénistes. Que Séjourné se rassure, cependant, il n’y aura pas de 6 février 1934 de la gauche, ce n’est pas le genre de la maison. Mais à force de banaliser certaines idées, certains comportements, il n’est pas impossible que Macron soit le président qui aura fait élire Marine Le Pen. Il paraît que ça l’obsède, cette idée, Macron. Si ce jour-là advient, Séjourné pourra venir manifester avec la gauche, retrouver les « valeurs communes » que lui et les autres macronistes disaient avoir avec Mélenchon entre les deux tours de la présidentielle. On n’est pas rancunier. Mais Séjourné, ce jour-là, aura autre chose à faire. Passer un entretien d’embauche chez McKinsey par exemple.