La gauche, le retour…

par JEROME LEROY
Publié le 3 mai 2022 à 17:29

Non mais quelle impudence, la gauche se parle ! La gauche serait peut-être même bien, à l’heure où j’écris, sur le point de s’unir pour les législatives et de créer la surprise ! Quel culot ! Manuel Valls, un brillant homme politique de droite qui s’est longtemps fait passer pour socialiste et qui le soir du second tour de la présidentielle tentait de se glisser dans le pince-fesses macroniste au Champ-de-Mars pour trouver un strapontin qu’on lui refuse depuis cinq ans, Manuel Valls, donc, avait théorisé « les gauches irréconciliables ». Opposition insurmontable entre les réformistes et les partisans de la rupture, les productivistes et les décroissants ou, vu depuis la droite, entre islamogauchistes et républicains. Cette grille de lecture arrangeait beaucoup de monde. Elle condamnait la gauche à ne plus exercer le pouvoir ad vitam æternam. Un monde sans gauche, quel bonheur ! Il est vrai que cela faisait des années, voire des décennies, que l’on feignait de croire, sur la foi d’un rapport de Terra Nova, un think tank social-démocrate, que la gauche devait oublier les classes populaires en tentant de se créer un électorat de substitution avec les minorités qui se seraient alliées à une petite bourgeoisie diplômée des centres-villes, laissant Marine Le Pen gagner le prolo. Mais voilà, c’est un peu plus compliqué que cela. Si la gauche a repris langue et quelques couleurs, c’est que, tout de même, les programmes convergent sur l’essentiel. Pas au point de parler d’un programme commun, mais tout de même de quoi lister une dizaine de réformes urgentes en cas de victoire aux législatives : la retraite à 60 ans, l’abrogation de la loi travail El Khomri et des ordonnances Macron, le blocage des prix pour les produits de première nécessité, la planification écologique et une VIe République. Une victoire de la gauche après tout, pourquoi pas ? Pas loin de 60 % des Français ne souhaitaient pas, le soir du scrutin, que le président dispose d’une majorité à sa botte. On avouera que c’est tout de même un signe étonnant sous la Ve République. On a beau présenter Macron comme le premier président réélu hors cohabitation, face à une Marine Le Pen qui n’a jamais autant obtenu de suffrages, on vit une situation paradoxale où les deux finalistes ne peuvent même pas se permettre de dire qu’ils ont bénéficié d’un vote d’adhésion. Combien d’électeurs macronistes du deuxième tour ont eu ce fameux réflexe du castor pour faire barrage au Rassemblement national ? Bien malin qui peut le dire. Et combien des électeurs lepénistes ont avant tout voulu exprimer leur rejet viscéral du macronisme ? Quand vous ne savez plus, dans votre propre électorat, la proportion de gens qui ne vous aiment pas mais qui vous préfèrent quand même à l’autre, ça peut donner des sueurs froides. Dernier signe que cette perspective d’une gauche réunie affole vraiment, c’est que les faux socialistes, comme Stéphane Le Foll ou Carole Delga - vieille garde hollandiste démonétisée - et Hollande lui-même, ou encore les hiérarques de La République en marche, implorent le PS et les verts de ne pas se renier… Alors que le reniement, le seul qui ait jamais existé à gauche, c’est celui de ne pas croire possible… les jours heureux ! Et bien plus vite que prévu.