La honte

par JEROME LEROY
Publié le 24 juin 2022 à 10:55

La grande honte des dernières législatives, c’est le discours à géométrie variable du macronisme sur les candidats de Nupes en duel contre le RN. Cela explique, pour une grande partie, le chiffre record de 89 députés lepénistes. Cette ambiguïté des sbires de la macronie est, au hasard, responsable de la défaite de candidats communistes comme notre camarade Alain Bruneel dans le Douaisis ou encore celle de Bruno Nottin, à Montargis, quand Blanquer, battu au premier tour, a refusé de soutenir le communiste mais a préféré dire que le communiste et le candidat RN, « c’était le même chose ». Que les macronistes aient oublié qu’ils exerçaient, il y a encore quelques semaines, un chantage affectif et politique sur la gauche au nom de la lutte contre le fascisme me permet aujourd’hui, à mon tour, un point Godwin. Contrairement aux LR qui ont, pour la plupart, encore un vague surmoi gaulliste et se souviennent des combats communs avec les communistes dans la Résistance, les jolis centristes ultralibéraux de la macronie, technocrates sans mémoire, incapables de faire campagne sur le terrain parce que pour eux les gens se résument à des graphiques, des courbes, des statistiques, bref toute cette camarilla de canailles fait, consciemment ou non, partie de cette fraction affairiste de la bourgeoisie française, tendance Comités des forges, qui dans les années trente a toujours explicitement annoncé : « Plutôt Hitler que le Front Populaire. » Le pire, c’est que ce sont eux qui, dans l’entre-deux-tours, avec un cynisme glacial, comme à leur habitude, ont décerné des brevets de bons républicains aux uns et aux autres. Sans jamais définir ce qu’était à leurs yeux un républicain. Sans doute quelqu’un qui pense comme eux, c’est tellement plus simple pour ces démocrates en carton. Le comble a sans doute été Amélie de Montchalin accusant explicitement Jérôme Guedj, socialiste et juif, d’être complice des « anarchistes d’extrême gauche » (sic) et des « antisémites » (re-sic). S’il y en a encore qui n’ont pas compris que le macronisme est le visage modernisé du fascisme comme le RN en est le visage old school [1] , tant pis pour eux. À l’étranger, on l’a compris : un tweet de Bernie Sanders, le patriarche de la gauche américaine, commente ainsi les résultats : « Dans les élections françaises, devant l’alternative entre des progressistes qui voulaient taxer les riches et une extrême droite brutalement anti-immigrés, le parti “centriste” et pro-business de Macron a refusé de choisir. » C’est pourquoi, pour ma part, désormais, moi non plus je ne hiérarchiserai entre les deux, au nom du moindre mal, alors qu’un bon nombre de députés communistes a perdu contre le RN des duels qu’autrefois ils auraient gagné. 33 sur 61 pour être précis. Ils ne les auraient pas tous perdus, pour peu que Borne, par exemple, ait eu la dignité d’un Michel Noir, gaulliste, homme de droite, qui disait dans les années 90 qu’il valait encore mieux perdre une élection que son âme. Mais il est vrai que les macronistes n’ont pas d’âme. Seulement des appétits.

Notes :

[1À l’ancienne, en anglais.