La maman de Martial

par JEROME LEROY
Publié le 24 mars 2022 à 18:42

La guerre en Ukraine s’enlise dans une horreur à bas bruit, la pandémie repart en douceur et Macron règne au firmament des sondages, confisquant l’élection présidentielle. Il s’est même offert le luxe d’annoncer la couleur de son prochain quinquennat où il espère bien pouvoir mener ce qu’il avait prévu pour le premier : une brutalité thatchérienne dans toute sa splendeur avec quelques mesures phares comme la retraite à 65 ans, le démantèlement de l’Éducation nationale et l’obligation pour les allocataires du RSA de bosser de quinze à vingt heures par semaine, parce que tout de même, l’assistanat, ça commence à bien faire. C’est pourquoi je voudrais vous parler de mon ami Martial Cavatz. Martial vit à Besançon où il est né en 1978 dans le quartier populaire de la Planoise, dans l’immeuble mythique du 408, aujourd’hui détruit. Il est, si vous voulez, un enfant des cités, issu d’une famille dysfonctionnelle avec, pour compléter le tout, un handicap visuel. Il n’empêche, aujourd’hui, il a conquis des diplômes universitaires et prépare une thèse en histoire économique. Il est syndiqué, connaît des dessinateurs de presse après avoir, jadis, lancé un fanzine lycéen. On a vu sa signature dans Siné Hebdo. Il prépare aussi un livre, sans misérabilisme et même avec humour, sur une enfance qui s’est déroulée pour l’essentiel dans les structures spécialisées. Si je vous parle de lui, c’est qu’il a donné un témoignage sur les réseaux sociaux qui se passe de commentaire et indique bien les effets déjà dévastateurs, par anticipation, de la brutalité annoncée du macronisme : « On était au restaurant, il y a quelques semaines, avec ma mère, quand elle m’a dit que le médecin lui avait donné des cachets car elle avait des problèmes de tension et d’angoisse. Comme je l’interrogeais sur ce qui pouvait bien l’angoisser, elle m’a répondu : “Ils ont dit à la télé qu’ils allaient retirer les aides à ceux qui travaillaient pas, je m’inquiète pour ton frère.” Mon frère qui est au RSA parce qu’il est celui qui a eu le moins de chance dans la famille, celui qui a le parcours le plus cabossé. Lui qui ne fait de mal personne, il est évident qu’il est urgent d’aller lui rajouter une couche de merde sur la gueule. Des gens bien nourris discutent sur les plateaux télé et font angoisser les mamans, entre deux ménages pour les voisines, entre deux courses pour les vieux, car elles survivent avec le minimum vieillesse. Si par hasard, leur costard croise une tarte à la crème, leur crâne un œuf, il s’en trouvera - nombreux - pour regretter cette violence et que le débat d’idées entraîne des frais de pressing. On est en démocratie enfin... Souvent, je me dis que ce monde ne mérite pas de survivre, que cette civilisation n’est pas amendable, ce sont toujours les mêmes qui gagnent à la fin, c’est pourquoi j’ai du mal à me lever pour les marches pour le climat. Et que, probablement, le 24 avril je resterai dans mon lit tranquille. » Martial est triste et en colère. Je lui souhaite de ne garder que la colère. C’est mieux en politique. Pour le reste, mais je n’en avais pas besoin, voilà encore une raison de voter pour Fabien Roussel le 10 avril.