La preuve par Fabien Roussel

par JEROME LEROY
Publié le 31 mars 2022 à 19:32

Je me demande pourquoi France 2, le 24 mars, a jugé bon de faire débattre Fabien Roussel avec Sandrine Rousseau dans l’émission politique Élysée 2022. Après tout, le candidat des Jours heureux a été le seul ce soir-là à avoir le droit à ce traitement sur son temps de parole et, que je sache, non seulement Sandrine Rousseau n’est pas la candidate verte, elle n’est même plus présente dans l’équipe de campagne de Jadot. Le candidat écolo a fini par être lassé du harcèlement permanent de celle qu’il avait battue aux primaires et qui se croyait autorisée, avec son score, à contredire le vainqueur, voire à lui savonner la planche. Mais voilà, Sandrine Rousseau dit de telles énormités qu’elle est, pour les médias, une bonne cliente qui a l’avantage de ringardiser la gauche, en la réduisant à des combats sociétaux qui s’enferment dans des logiques identitaires, de manière étrangement symétrique à l’extrême droite à ceci près que ce ne sont pas les mêmes qu’on érige en victimes. Le problème, c’est que la seule façon, à gauche, de défendre les dominés, c’est de les prendre en bloc et de montrer où est leur place dans les rapports de production, plutôt du très mauvais côté, surtout avec le programme que prépare Macron. Bref, et cela s’est vu dans ce débat, alors que Sandrine Rousseau estime que la priorité c’est le partage des tâches ménagères (au point de créer un délit en cas de non-partage !), Fabien Roussel, lui, se bat pour le partage de la valeur, c’est-à-dire, selon sa formule, « pour que les gros payent gros et que les petits payent petit ». Plus généralement, on s’interrogera sur la conception de la « sororité » de Sandrine Rousseau. Elle n’hésite pas en effet à se faire parachuter dans une circonscription parisienne pour les élections législatives en évinçant la candidate présente depuis de nombreuses années contre l’avis des militants. À la question qu’on lui pose sur cette opération, Sandrine Rousseau utilise un argument décisif : « Je n’ai pas envie de répondre. » C’est sûr que ça clôt le débat assez vite. Elle daigne lâcher que c’est surtout parce son mari et ses enfants travaillent à Paris. On pourra souligner que madame qui suit monsieur pour le boulot, c’est assez peu déconstruit et puis ce n’est pas comme si elle était vice-présidente de l’Université de Lille, chargée de la précarité, où par ailleurs, des syndicats pourtant peu enclins à la critique de l’intersectionnalité, comme SUD, ont marqué leur énervement devant son absentéisme. Bref, opposer Roussel et Rousseau ce n’est pas opposer deux gauches irréconciliables, c’est opposer une gauche populaire, laïque et sociale à un courant de pensée qui a fait son deuil du peuple et dont le souci est d’imposer de manière rigide des ajustements comportementaux privés dans une bourgeoisie « progressiste » qui ne souffrirait pas, ou si peu, d’une « sobriété » décroissante. Bref, le contraire du programme des Jours heureux, qui envisage des solutions réalistes, notamment grâce au nucléaire, pour lutter contre les défis qui nous attendent tous et les rendre moins brutaux pour les plus fragiles.