La rentrée en jet-ski

par JEROME LEROY
Publié le 2 septembre 2022 à 11:39

C’est presque trop facile, trop gros. Dans Voici, on voit le président en jet-ski s’amusant comme un retraité texan ou un oligarque russe devant Brégançon, alors qu’il n’est partout question que d’incendies, de guerres, de sécheresse et de dévastations sans nom en comparaison desquelles les dix plaies de l’Egypte vous ont des airs d’épisodes de Candy. Ça tangue (c’est le cas de le dire) un peu dans les médias, les macronistes qui n’ont décidément peur de rien nous expliquent même que le jet-ski était électrique, ce qui est faux et ce qui vous a tout de même des airs d’excuse d’ado attardé : « Non, maman, je te jure, je fume pas : la preuve, j’avale pas la fumée.  » Le plus gros problème, c’est que le 24 août, après s’être passé une serviette dans les cheveux et avoir retiré son gilet de sauvetage, le président se faisait filmer en conseil des ministres. Et d’expliquer que les deux déesses «  Insouciance  » et « Abondance » vont se faire la malle à la rentrée plus vide qu’un fraudeur fiscal qui s’en va dans un paradis du même nom, et qu’il va falloir serrer Bien entendu, tout le monde sait que les Français, ces dernières années, ont vécu en folâtrant les dents.

Bien entendu, tout le monde sait que les Français, ces dernières années, ont vécu en folâtrant. Ce n’était que jeux et ris au pays de Cocagne. Certains même, gardant leur bonne humeur devant leurs frigos vides, décidaient un happening géant, tous en gilet jaune, sur les ronds-points. Sans compter que question d’insouciance, quel bonheur ce fut aussi, ces grandes vacances confinées pour cause de Covid. Macron a quand même un problème qui est un peu plus qu’un problème puisqu’il s’agit d’un aveuglement hallucinatoire : il est définitivement hors-sol, drogué à l’indifférence et l’absence totale de sens politique. Son élection est fragile, par défaut, sa majorité est très relative et les projets qu’il annonce notamment sur un durcissement supplémentaire de l’indemnisation des chômeurs, sur la retraite à 65 ans, sur le RSA conditionné à vingt heures de travail ce qui revient à faire payer par le contribuable une main d’œuvre à bas coût pour les entreprises, n’ont aucune adhésion dans l’opinion. Et ce qui achève de lui retirer toute légitimité de le faire, c’est qu’il se refuse obstinément, contrairement à nos voisins, à taxer les superprofits réalisés notamment dans le secteur de l’ énergie par ceux que Robespierre et ses amis du Comité de Salut Public appelaient les «  accapareurs » : rappelons que les dividendes versés par les entreprises atteindront un sommet en 2022 : 1 560 milliards selon le gestionnaire Janus Henderson avec une hausse de 6% mais, en France... de 33%.

Pourtant, une autre hypothèse est possible. Après tout, si l’on veut se faire l’exégète des propos présidentiels, peut-être nous prépare-t-il, finalement, à l’idée d’une société de la sobriété, d’une décroissance, d’un nouvel An 01 cher au regretté Gébé : « On arrête tout, on réfléchit et c’est pas triste » disait le slogan de la BD devenue un film culte de la contestation des années 70. Mais pourquoi a-t-on du mal à croire à cette métamorphose du jet-skieur bling-bling en zadiste churchillien ? Allez savoir...