Le rêve humide du macronisme

par JEROME LEROY
Publié le 8 avril 2022 à 10:50

Un spectre hante cette fin de campagne et il s’appelle McKinsey. McKinsey est ce cabinet de conseil américain qui a fait son entrée médiatique en janvier 2021 : le gouvernement avait fait appel à lui pour penser la politique de vaccination contre le virus. On s’était étonné que la France, pays de haute fonction publique, soit incapable de planifier la chose. McKinsey s’était vu confier trois missions concomitantes qui sentaient déjà bon le jargon managérial : cadrage logistique, cadrage opérationnel, et « benchmarking ». Il fallait bien un peu d’anglais commercial là-dedans, sinon, ça aurait manqué de sérieux. Par benchmarking, entendez simplement la comparaison avec ce que faisaient les autres pays en matière de vaccination, c’est-à-dire un exercice à la portée de n’importe quel stagiaire de l’ENA (École nationale d’administration) qui aurait pu lire la presse étrangère pour le compte du ministère de la Santé. On pense aujourd’hui que cela a coûté, à la louche, 13 millions d’euros au contribuable. Et puis, à force de gratter, on s’est aussi aperçu que McKinsey a finalement gouverné la France dans des domaines aussi peu importants que les retraites, les aides au logement, l’assurance chômage, les pensions alimentaires, etc. Vous vous demandez pourquoi les ministères dédiés à ces questions ne pouvaient pas s’en occuper tout seuls ? Mais enfin, ne soyez pas naïfs, en Macronie, on n’aime pas le service public. Aujourd’hui, Macron est bien embêté. Non seulement McKinsey n’a pas payé un radis aux impôts, mais un certain nombre de ses salariés ont, dès 2017, aidé le candidat des Marcheurs. Plus généralement, cette affaire, dont on ne sait pas encore l’onde de choc qu’elle pourrait provoquer avant ou après les élections, résume parfaitement un certain état d’esprit qui va au-delà de l’ultra-libéralisme. Le Royaume-Uni de Thatcher ou les USA de Reagan avaient au moins leur cohérence : l’État était réduit au minimum, mais là où il était compétent, il ne plaisantait pas, et notamment avec les impôts qui permettaient de financer les domaines proprement régaliens comme la sécurité extérieure et intérieure ou les Affaires étrangères. La France de Macron est celle d’une externalisation généralisée des missions qui pourraient et devraient être assurées par l’État lui-même, comme une politique sanitaire en temps de pandémie, externalisation qui se fait auprès de gens faisant payer très cher leurs « conseils ». C’est en fait le rêve humide d’une technocratie qui ne pense plus en termes de service public mais de rentabilité, avec cette philosophie implicite que dans le privé, c’est forcément mieux car l’expert dans ce cas-là est motivé par le seul moteur auquel croit le macronisme, l’argent, et non par une certaine idée de la France avec vocation de servir la collectivité qui va avec. On attend donc, désormais, avec une impatience non dissimulée, que la France crée sa propre milice privée de mercenaires, façon Wagner, histoire de faire la guerre au Mali ou ailleurs de façon enfin libérée des contraintes éthiques ou administratives.