Le syndrome de Buridan

par LEROY JEROME
Publié le 6 novembre 2020 à 12:32

On connaît la fable de l’âne de Buridan, le philosophe médiéval qui avait imaginé une pauvre bête assoiffée et affamée qui, faute de choisir entre le seau d’eau et le picotin, finissait par mourir de faim et de soif.

Comment ne pas y penser en voyant le pilotage à vue du gouvernement ? L’économie ou la santé ? Les plus lucides s’aperçoivent déjà que choisir l’économie - choix cynique mais qui aurait le mérite de la clarté - quand on a été rigoureusement incapable de déconfiner correctement et qu’on a laissé circuler le virus dans des proportions pour le moins inquiétantes, cela finit un jour ou l’autre par faire aussi s’effondrer l’économie elle-même. Sinon, pourquoi croyez-vous que la plupart des pays se sont confinés au printemps et se reconfinent aujourd’hui ? Contrairement à ce que disait Lénine, les capitalistes ne sont pas idiots au point de vendre la corde qui les pendra. Hélas. Il vaut mieux, pour eux, perdre beaucoup que tout perdre.

Seulement à l’Élysée, on choisit de ne pas choisir et on risque bientôt de finir comme le pauvre âne imaginé par Buridan. On peut toujours se payer de mots. On peut parler de couvre-feu, de confinement : quand le mot ne désigne plus la chose, en politique, on appelle ça de l’hypocrisie. Il y a tout de même quelque chose de paradoxal qu’Emmanuel Macron n’ait jamais employé le mot confinement lors de son discours de la mi-mars pour ce qui était vraiment un confinement alors qu’il l’a employé en octobre pour désigner ce qui est tout sauf un confinement.

Prenons l’éducation. C’est Blanquer qui devrait être Premier ministre, il manie beaucoup mieux le déni, le mépris et le court-termisme que le brouillon Castex. Il est dans le même monde que Macron. Un monde où l’on utilise une parole que l’on croit performative, c’est-à-dire une parole à elle seule qui changerait le cours des choses. Mais comme le disait encore Lénine qui, cette fois, ne se trompait pas, « les faits sont têtus ». Le « protocole sanitaire renforcé », notamment dans les lycées, est une vaste blague potentiellement mortifère. Les salles sont bondées par de jeunes adultes aussi contaminants que vous et moi qui sont dans l’impossibilité de garder les distances sociales. L’aération des salles est plutôt difficultueuse en hiver, surtout quand on a bêtement omis de penser à équiper, comme en Allemagne, les classes avec des purificateurs d’air.

Faut-il rajouter que le brassage est monnaie courante : non seulement pour des raisons de locaux exigus mais aussi... pédagogiques. La réforme Blanquer du bac a multiplié les groupes optionnels qui viennent de différentes classes pour mieux se mélanger. Bref, non seulement les profs finiront par être contaminés (ça, finalement, ce n’est pas très grave, les profs on les célèbre seulement quand ils sont morts) mais les lycéens rapporteront le virus à la maison.L’ancien directeur général de la santé, un certain monsieur Dab, a néanmoins une solution à nous proposer : que le lycéen garde son masque à la maison. Gageons que Blanquer ne tardera pas à ressortir cette brillante idée.