Les filles de Camaïeu et les violences faites aux femmes

par JEROME LEROY
Publié le 7 octobre 2022 à 10:13 Mise à jour le 5 octobre 2022

Dans la rubrique « Violence faite aux femmes », je voudrais vous parler de Camaïeu. L’ensemble des magasins a fermé samedi dernier, 1er octobre. Pour Camaïeu, le problème des femmes n’est apparemment pas de faire une boucle WhatsApp pour se venger d’un ex ou de balancer un mec sur un plateau télé transformé en pilori médiatique, histoire d’être califette à la place du calife. Je dis ça pour l’histoire de ces militantes vertes et féministes qui « surveillaient » Julien Bayou car ce dernier avait apparemment une vie amoureuse active et désinvolte, chose dont je me contrefous et dont tout le monde devrait se contrefoutre, ce que dit en substance son avocate, pourtant elle-même féministe… Non, chez Camaïeu, le problème des femmes est leur place dans les rapports de production. Vous vous souvenez, les rapports de production ? Ce vieux truc marxiste qui explique tant de choses. Comparez les témoignages des accusatrices de Bayou et ceux des travailleuses de Camaïeu, et vous vous rendrez compte du décalage. Le seul problème, c’est que médiatiquement, on entend beaucoup les premières et beaucoup moins les secondes. Il faut dire que c’est moins glamour, des vendeuses, des manutentionnaires, des logisticiennes, victimes des erreurs industrielles du patronat. 2600 sur le carreau et autant de vies en miettes. Il est vrai que du côté des croisées d’EELV, on ne s’habille pas chez Camaïeu, sans doute une marque de plouquettes nordistes qui doivent aimer boire une bière fraîche avec leur mari devant un barbecue dominical sans se prendre la tête sur le partage des tâches mais plutôt sur comment payer les factures, le crédit et les études de la fille aînée. Bien sûr, une casse sociale n’excuse ni ne relativise les violences sexistes et sexuelles. Je voudrais juste qu’on se souvienne, au moins un peu, que la précarité sociale est parmi les violences faites aux femmes la plus fréquente et la plus systématique. Que les femmes continuent à être moins payées que les hommes sur l’ensemble d’une carrière. Que les femmes sont moins diplômées parce qu’elles sont moins bien formées. Qu’un chômeur en France est d’abord une chômeuse. Et que les témoignages des filles de Camaïeu qu’on peut lire ici où là sont bouleversants et témoignent tous que le premier prédateur, pour les femmes, ce n’est pas l’homme, c’est le capitalisme. Et que pour le coup, ces témoignages rendent légèrement obscènes ce qu’on a pu lire sur les priorités du « collectif spontané » qui a cherché à avoir la peau de Bayou. Bref, cette obstination à oublier la lutte des classes voire à la nier de la part d’une fraction de la gauche explique en grande partie pourquoi, par exemple, le RN est à 45% dans le département qui a vu naître Camaïeu. Et quand par hasard, à gauche, on commence comme le fait Fabien Roussel, à remettre cette question de la lutte des classes et du travail au cœur du discours politique, on se fait allumer aussitôt par Sandrine Rousseau et sa bande. On devrait, en fait, leur conseiller de lire le Journal de Jean-Patrick Manchette (Folio) qui couvre la période 1966 à 1974 et qui disait déjà, sous Pompidou, le 30 décembre 1969 : « On ne critique pas une société en critiquant ses partouzes mais en critiquant ses rapports de production.  » Mais pour l’instant, on peut résumer la situation de la gauche par un axiome simple : à chaque fois qu’une bourgeoise éco-féministe ouvre la bouche, une chômeuse vote Le Pen.