Moi aussi, je peux être populiste

par JEROME LEROY
Publié le 21 octobre 2022 à 13:32 Mise à jour le 20 octobre 2022

Moi aussi, je peux être populiste, si je veux. Par exemple, il serait intéressant de connaître la rémunération des journalistes éditocrates des chaînes infos quand ils blablatent, daubent et s’indignent des « salaires mirobolants » des opérateurs dans les raffineries en grève et ce qu’ils ont à dire sur leurs propres abattements fiscaux de 7650 € forfaitaires accordés jusqu’à 100 000 € de revenus annuels. Il serait intéressant de savoir quelles compétences extraordinaires a le patron de Total pour s’augmenter de 50%. Je trouve franchement obscènes les leçons de morale données par des journalistes assis, toujours dans la connivence, qui gagnent de toute manière dix ou douze fois de plus que des travailleurs dans les raffineries. Sinon, on peut toujours leur proposer d’échanger. Je suis sûr que les crétins et les crétines qui squattent les plateaux seraient enchantés de faire les 3X8 dans des vapeurs de pétrole et que les ouvriers des raffineries auraient sûrement des choses plus intéressantes à nous dire sur la société française et les gens de tous les jours que des moulins à paroles qui ne sont pas sortis depuis deux arrondissements parisiens depuis vingt ans sauf pour aller en vacances à La Baule. Et je ne parle pas de leur éternelle obséquiosité envers les puissants et de leur éternel mépris de classe à chaque conflit social un peu dur. En fait, je les ai toujours connus comme ça. Toujours. Serge Halimi, il y’a déjà presque trente ans, lors des grèves de novembre-décembre 95, les avaient appelés « les nouveaux chiens de garde » par allusion au livre du camarade Nizan qui critiquait les intellectuels installés de l’université de son époque et qui faisaient, déjà, régner la pensée unique. Et aujourd’hui encore, c’est le même aboiement faisandé sur les « avantages  », sur la « prise d’otage » des « braves gens », encore la même dialectique naine sur les bons syndicats réformistes et la vilaine CGT, etc... Il suffit juste de changer la date du mouvement et le nom de la profession en lutte, infirmières, cheminots, profs : on n’en trouve plus d’ailleurs et ils n’y sont pas pour rien, ces têtes de mort… La différence d’avec il y a trente ans, c’est qu’ils se sont multipliés en même temps que se sont multipliées les chaînes d’infos avec les cinquante nuances de la domination qui font croire à une pluralité : du néo poujadisme hardcore de CNews à la fausse neutralité « service public  » de France Info alors que tout ça, tout le temps, inlassablement, est aux ordres de quelques oligarques ou du pouvoir en place, sauf s’il est de gauche, ce qui n’arrive presque jamais. Comme le disait Chamfort, «  il n’y a pas plus valet que ces gens-là. » Et ils chouinent auprès du public quand par hasard un politique ou un syndicaliste leur parle un peu rudement. Ils hurlent à la mort pour atteinte à une liberté de la presse qu’ils prostituent chaque jour, alors que l’unique chose qu’ils risquent, c’est des escarres aux fesses à force de rester assis. Et sûrement pas les coups de matraque sur un piquet de grévistes réquisitionnés.