Politiques et journalistes en quête d’audience rassemblent les faits divers les plus horrifiques et on a vite fait bien fait de se faire traiter de salopard laxiste si on dit que tout ça, c’est une manipulation. Moi, pourtant, ce qui me surprend, c’est le moment où ce débat fait son retour.La France est inquiète, c’est vrai. Mais pas de la pseudo-flambée de la délinquance. La situation sanitaire est loin d’être stabilisée et on met sous le tapis une rentrée scolaire hautement hasardeuse avec son protocole ultra-light qui a remplacé le protocole kafkaïen du printemps.
Deux excès nuisibles et, entre les deux, aucune réflexion sur l’école de demain, sur la grande misère des établissements scolaires aussi surpeuplés que les prisons. Quant à la situation économique, elle aussi a de quoi effrayer du côté du monde du travail. La relance ne sera manifestement pas keynésienne mais essentiellement fondée sur une politique de l’offre, pro-patrons, qui ne cesse de montrer ses effets négatifs depuis des décennies. Mais pourquoi changer une équipe qui perd ?
Alors, pour faire oublier les peurs réelles, on en sort opportunément une autre, qui a fait ses preuves. L’insécurité, ça marche toujours, coco. Et on parle chez les politiques d’Orange mécanique. Oh pas celle de Burgess et Kubrick qui était in fine le contraire : une critique des réponses sécuritaires qui finissaient par égratigner et un peu plus que ça, la démocratie. Non, on parle du livre de Laurent Obertone, auteur fasciste et identitaire, qui a eu naguère son petit succès avec La France Orange mécanique. Le problème de la méthode Obertone, c’est qu’elle est totalement biaisée et malhonnête. Elle marche à tous les coups mais ne prouve rien : ramasser les faits divers dans la presse régionale et dire que les « islamo-racailles » nous mènent au bord de la guerre civile.
Laissez-moi quelques semaines pour lire la presse régionale et relever les faits-divers heureux. Gestes de solidarité, exploits sportifs locaux, initiatives culturelles et je sortirai un livre qui montrera exactement le contraire, et de manière aussi fausse, que la France est un pays aimable, doux, avec des gens formidables et où il fait bon vivre. Après, si on veut vraiment aller jusqu’au bout de la logique sécuritaire du moment, parce ce que les idées ont des conséquences, je propose de fusionner le ministère de la Justice et celui de l’Intérieur comme dans le film de SF Judge Dredd avec Stallone, qui est à la fois « policier, juge et bourreau ». En plus, ça ferait des économies de fonctionnaires. Et c’est toujours mieux, quand il y a moins de fonctionnaires, n’est-ce pas ?