C’est étonnant, tout de même, ce goût des libéraux français pour les lois inutiles. Naïvement, on croyait que le libéral préférait le contrat. Peut-être que le libéral est libéral quand il s’agit du travail ou de la fiscalité, toutefois il l’est beaucoup moins quand il s’agit d’imposer son idéologie. Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à nos drapeaux. Voilà que le groupe Renaissance a fait passer une loi rendant obligatoire la présence du drapeau européen sur les mairies. Ce qui me gêne un peu, dans cette histoire, ce n’est pas tant le drapeau européen que c’est ce qu’il a fini par symboliser : une zone de libre-échange fondée sur toujours plus de moins-disant social, une zone où est imposée une austérité sans fin, une zone où les promoteurs les plus acharnés sont allés contre la volonté des peuples (on n’oublie pas le non au référendum de 2005) et ont poussé des pays dans les bras du néofascisme. D’ailleurs, derrière les cris d’orfraie – « Mon Dieu, la Pologne ; mon Dieu la Hongrie ; mon Dieu l’Italie » –, on voit que finalement, ils s’en accommodent très bien, les libéraux, des législations restrictives sur l’avortement, de la fin d’une justice indépendante et autres joyeusetés xénophobes. Tant qu’ils sont dans les clous budgétaires, ces pays-là peuvent tranquillement chasser le migrant. Mais qu’ils ne s’avisent pas de vouloir protéger leur peuple en gardant un modèle social avancé, c’est-à-dire en étant de gauche, là, ils seront punis comme l’URSS punissait les « pays frères », à cette différence que c’est le FMI et la BCE qui jouent le rôle du tank. Alors cette histoire de drapeau fait un peu penser à ces armées victorieuses qui plantent leur étendard sur les ruines du rêve de ceux qui croyaient que l’Europe voudrait dire la paix, la prospérité, l’égalité. Le rêve de ces utopistes depuis Hugo qui rêvaient d’internationalisme et qui n’ont même plus le droit d’exprimer la moindre réserve, même sur leurs mairies...