Scandale : Macron obligé de faire de la politique !

par JEROME LEROY
Publié le 1er juillet 2022 à 13:44

La politique ? Vous vous rappelez ? C’était cette chose tellement ancien monde, un peu ridicule, un peu sale, dépassée pour tout dire… En plus, ça ne servait à rien, et ça coûtait un bras au contribuable. Quoi ? Payer pour des députés, des sénateurs, des conseillers régionaux, des conseillers départementaux ? Quelques voix tentaient d’objecter dans le brouhaha poujadiste que, somme toute, ce que coûtaient les élus de la République, ça coûtait infiniment moins que l’évasion fiscale ou que les dividendes aux actionnaires, c’était inaudible. Le mépris du politique était entré dans les mœurs, comme, dans un autre genre, la haine des fonctionnaires. La politique, ça ne servait à rien sinon à embrouiller les choses alors que les experts vous expliquaient que, de toute manière, il n’y avait qu’une seule solution pour s’en tirer : le libéralisme, encore le libéralisme, toujours le libéralisme. Laissez faire ! Laissez passer ! Vous n’étiez pas au courant ? Les « harmonies spontanées ? », la « main invisible du marché ? ». Adam Smith is good for you ! Milton Friedman wants you ! [1] Moins on intervient, mieux on se porte, enfin les plus riches, bien entendu. Juste une guerre mondiale de temps à autre, mais bon, on ne va pas en faire toute une histoire. De toute façon, vous voulez quoi, le communisme ? Ça ne vous a pas suffi ? Des millions de morts (ici mettez le nombre de millions que vous souhaitez, il augmente au fur et à mesure que ça s’éloigne dans le temps et qu’on commence à comptabiliser ceux qui sont morts de la grippe sous Brejnev comme victimes du communisme). Non, soyez sérieux, la politique, c’est d’abord l’affaire des experts. McKinsey, mon amour ! Macron, digne enfant de cette vision du monde, a été élu par surprise en 2017 et réélu par dépit en 2022. À chaque fois, il a fait mine de croire qu’il était arrivé à l’Élysée parce qu’on voulait de son projet. D’où son désir d’enjamber les législatives comme on enjambe les jouets des enfants quand on rentre chez soi pour se mettre à son bureau. Mais voilà qu’aux législatives, les mômes ont fait n’importe quoi. Ou plutôt, eux, les citoyens, ont fait de la politique. Ils ont ressuscité la gauche et ils ont privé le macronisme de majorité absolue. Et voilà Macron obligé de faire de la politique ! Quelle horreur ! Alors que tout devait se passer comme prévu ! Voir ses projets contrariés par des ouvrières agricoles qui n’ont pas trente ans, des femmes de ménages, des intérimaires… Surtout à la Nupes, qu’on décrète donc indigne de faire partie d’un gouvernement et qu’on assimile aux députés du RN parce que le macronisme, c’est aussi assez abject, parfois. Mais ce n’est pas possible, pleurniche le président. Quelle perte de temps pour les affaires, euh pardon, pour la France ! Quelle idée les gens ont eu d’élire d’autres gens qui leur ressemblent ? Et qui veulent du pouvoir d’achat, partir à la retraite dès que possible, une planète vivable pour leurs enfants ? C’est donc ça, la politique ? Oui, Monsieur le Président, c’est ça, la politique… Ça fait tout drôle, non ?

(La semaine prochaine, ce sera l’été, on lira de la poésie, ça nous changera.)

Notes :

[1Adam Smith est bon pour vous ! Milton Friedman vous veut !