Lors des manifestations du 16 juin, une seule image a résumé ce retour à l’ordre. C’est l’arrestation, pour le moins musclée, d’une infirmière de cinquante ans. Je ne reviens pas sur les faits eux-mêmes mais sur les réactions des habituels valets, politiques et médiatiques, du macronisme. Ils sont à nouveau en marche après cette arrestation suivie d’une garde à vue et d’un procès qui aura lieu en septembre après la plainte de quatre CRS, sans doute étranglés par le stéthoscope manié par l’agresseuse d’1m55.
Ce qui est intéressant, c’est que cet épisode nous permet de mettre à jour ce qu’on pourrait appeler un raisonnement fasciste. À quoi, en 2020, reconnaît-on un fasciste ou un macroniste (le macronisme est un fascisme déguisé, un lepénisme avec du déo sous les bras) ? Eh bien pour ces têtes de morts, quand il y a une victime de la police, ce n’est pas la police qui est coupable, c’est évidemment la victime. La victime avait provoqué - on remarquera que l’on accuse de la même manière les femmes violées de l’avoir bien cherché - ou elle avait un passé de délinquant ou elle était la petite cousine par alliance de la belle-soeur d’un dealer.
Par exemple, l’infirmière en question, elle, avait lancé des pierres sur la police et fait des doigts d’honneur. Peu importe qu’elle se soit épuisée pendant trois mois, 18 heures sur 24, dans les services Covid, qu’elle ait assisté à la mort de trente patients, qu’elle soit dans une rage folle devant les promesses trahies, son comportement justifie son traitement. C’est pareil pour Traoré qui vient forcément d’une famille de délinquants, pareil pour Cédric livreur père de famille décédé en janvier, 48 heures après son interpellation : il roulait sans permis, ce qui vaut bien la peine de mort.
À la limite, on devrait même se féliciter que l’infirmière en question s’en tire si bien face à une police excédée qui s’est montrée si aimablement républicaine en la menottant et en l’agenouillant, le front en sang. Comment dire ? Même en admettant, ce qui est difficile dans la France de 2020, que la police ne soit pas mise au service des dominants, cette institution a ce qu’on appelle le monopole de la violence légitime. Elle doit donc en user avec discernement et de manière proportionnée. Elle doit se comporter de façon d’autant plus exemplaire qu’elle est armée, ce qui n’est pas le cas des citoyens.
Transposons un instant la situation au monde enseignant, vous savez là où on a trouvé tant de profs décrocheurs pendant le confinement qui se sont roulés les pouces et qu’il faudra sanctionner nous dit Blanquer, qui panique à l’idée que son incompétence ne lui retombe dessus lors d’un prochain remaniement. Eh bien, si tous les profs se comportaient face à des élèves insultants, violents, comme les flics se comportent avec des manifestants, même agités, même décidés à en découdre comme les black blocs, il y aurait aussi du sang sur les murs de nos écoles. Mais le prof se souvient, parfois avec difficulté, mais il s’en souvient, qu’en face de lui ce sont des mômes, au bout du compte, et que lui est un adulte.
On peut au moins demander aux flics, ou à leur commandement, de se souvenir qu’en face d’eux, ce sont des civils. Alors on est professionnel, on respire un bon coup et on passe à autre chose. Personne n’oblige un prof à être prof, personne n’oblige un flic à être flic. S’ils n’ont pas les nerfs, ils n’ont qu’à changer de job et qu’on n’en parle plus. Ce dont il va falloir parler, en revanche, dans les mois qui viennent, si la pandémie ne revient pas pointer son nez, c’est comment en finir avec un système capitaliste tellement plastique qu’il arrive à se nourrir de tout, y compris des catastrophes qu’il a lui-même provoquées.