Aïe, Aïe, Aïe, quel scandale, ce voile qui se dévoile pour mieux voiler

par Philippe Allienne
Publié le 5 novembre 2021 à 12:57

Vouali, voilou. Comme si le débat politique n’était pas tombé si bas grâce, notamment, au jeu d’intellectuels faussaires d’extrême droite, il aura fallu cette campagne de communication du Conseil de l’Europe mettant au centre (si l’on peut dire) le voile islamique. Lancée le 28 octobre, cette campagne visait à promouvoir la diversité en faisant référence au Programme européen pour l’inclusion et la lutte contre les discriminations. Sur les visuels, on découvrait des portraits de jeunes femmes découpés en deux parties. Côté droit : le visage souriant était entouré d’un foulard cachant les cheveux du top model et coulant délicatement sur l’épaule et la poitrine. Côté gauche : le même visage, toujours souriant, sans le foulard. En lettrage coloré, un message annonçait : « Beauty is in diversity as freedom is in hijab », soit dans la langue de Molière (qui soit dit en passant portait parfois perruque) : « La beauté est dans la diversité comme la liberté est dans le voile. » Première remarque, le mot « hijab » se rapporte bien à cette étoffe recouvrant les cheveux mais pas le visage. Bizarrement, le mot sonne très négativement par rapport au mot « foulard ». Ensuite, il s’agissait de faire campagne contre les discriminations. S’agissant des personnes de confession musulmane, personne ne saurait nier les discriminations dont elles font l’objet. Alors certes, devant le tollé suscité en France, le Conseil de l’Europe a retiré les images qui étaient diffusées sur les réseaux sociaux et a plaidé la maladresse. En France, le « pas encore candidat » mais pourtant puant clone des champions de l’extermination, s’est immédiatement fendu d’un tweet imbécile : « L’islam est l’ennemi de la liberté. Cette campagne est l’ennemie de la vérité », et a cru bon dénoncer un « djihad publicitaire ». Évidemment, la candidate d’extrême droite lui a emboîté le pas, suivie par de braves gens comme Valérie Pécresse, Bruno Retailleau, etc. Le gouvernement ne pouvait qu’abonder. Bref, un crétin nazillon peut dire que Dreyfus était coupable, que Pétain a sauvé les Juifs français et que Simone Veil était un assassin. Mais on ne peut pas admettre une tenue vestimentaire qui fait référence à l’islam. Le problème est que les faux gardiens du temple de la laïcité n’écoutent que ce qu’ils ont envie d’écouter et ne voient que ce qu’ils veulent bien voir. Ces prétendus défenseurs de la liberté, et en particulier de la liberté des femmes, oublient avoir toujours manqué l’occasion de mettre en œuvre (ou d’y contribuer) l’égalité femmes-hommes et de faire sauter ce plafond de verre qui semble de plus en plus épais. Aujourd’hui et de la même façon, ils oublient allègrement d’écouter ceux, et surtout celles, qui ont réellement travaillé la question du voile et qui ont tant à dire. Non, comme le dit fermement l’islamologue Kahina Bahloul, par ailleurs femme imam, le Coran n’impose pas aux femmes d’être des mineures à vie. Il n’impose même pas le voile, encore moins les accoutrements ridicules qu’imposent les talibans. Oui, comme le rappelle avec force cette militante de gauche qui a fui le régime Khomeiny pour s’installer en France, Chahla Chafiq, le « voile choisi » est un piège qui enferme les femmes musulmanes de ce pays. Mais que fait la République pour les aider ? Où est l’éducation populaire qui pourrait les affranchir du carcan dans lequel on les enferme ? Après des décennies de débat, on reste dans la stigmatisation stérile.