Bolloré, un ennemi de la liberté

par Philippe Allienne
Publié le 3 mars 2022 à 20:53

Associer Vincent Bolloré à la culture n’a pas de sens. À la liberté non plus. Le fonctionnement de l’homme d’affaires est incompatible avec ces concepts. On peut dire la même chose pour l’information et la vérité : Bolloré ne connaît pas, Bolloré s’en moque éperdument. Nous connaissons bien - et il serait bien dommage de nous y habituer - la manière dont il utilise les médias qu’il détient. Après la création de sa chaîne Direct 8, en 2005, le voilà 17 ans plus tard à la tête d’un des groupes médiatiques les plus puissants de France. Citons Havas, Canal, I-Télé (devenue CNews en 2017), Prisma (Géo, Voici, Ça m’intéresse ou Capital). Il n’oublie pas de s’intéresser aux actifs du groupe Lagardère (Europe 1, le Journal du Dimanche, Paris Match) et au groupe Hachette, numéro trois mondial de l’édition, qu’il fusionne avec sa société Editis. Cela lui permet de diffuser une information non vérifiée mais qui va dans son sens. Nous avons en tête la promotion qu’a fait Cyril Hanouna pour, au printemps 2020, défendre la chloroquine de Didier Raoult. Nous n’oublions pas les plateaux du même trublion qui assuraient qu’une seconde vague de Covid n’aurait pas lieu. Cerise sur le gâteau, les antennes du groupe invitent sans vergogne les auteurs d’un livre défendant, à coup de preuves fantaisistes, l’existence de Dieu et de son rôle de créateur de l’univers. Le titre de l’ouvrage : Dieu, la science, les preuves. Les auteurs : Michel-Yves Bolloré (le frère de Vincent) et Olivier Bonnassies. C’était sur CNews le 16 novembre 2021. Or, et là cela devient de plus en plus grave, le groupe Bolloré est en train de s’acheter un quasi-monopole de la librairie, c’est-à-dire de la distribution des livres. Il possèdera ainsi plus de 70 % des livres scolaires, 50 % des livres de poche, une centaine de maisons d’édition. C’est cette fois à la liberté académique qu’il s’en prend et, peut-on le dire, à la liberté tout court. Ce n’est pas pour rien que, le 16 février dernier, des journalistes, des maisons d’édition des associations, des syndicats et des chercheurs ont demandé une saisine de l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) en vue d’introduire une action judiciaire. L’appétit de Vincent Bolloré est insatiable. Comme aurait dit Michel Audiard, il est grand temps de lui dresser une ordonnance.