Cochon comme cochon

par Philippe Allienne
Publié le 24 juin 2022 à 10:57

Ce mardi 21 juin, en cette première soirée d’été dédiée à la musique, 200 porcs flamands n’étaient pas à la fête. Partie d’une exploitation d’Herzeele, non loin de Dunkerque, la bétaillère qui les transportait vers un destin funeste s’est renversée peu après dans un fossé, sur la commune d’Houtkerque. Ce qui a suivi fut effroyable. Seuls 80 animaux se sont sortis vivants de l’accident. Les autres sont morts de leurs blessures ou de crise cardiaque. Plusieurs d’entre eux ont été euthanasiés pour mettre fin à leur souffrance. L’opération de sauvetage a duré jusqu’à 7 heures du matin, nous apprend La Voix du Nord. Pour l’éleveur propriétaire de ces animaux, c’est une catastrophe. Selon la directrice du groupement de producteurs de porcs de Flandre auquel il appartient, « élever un cochon représente un an de travail, c’est une situation très dure pour l’agriculteur de voir ses bêtes souffrir autant ». Le groupement assure que l’éleveur sera indemnisé. Mais cet accident s’est produit dans un contexte très difficile pour les éleveurs qui subissent une hausse des charges et du coût de l’alimentation. Le prix actuel du porc ne couvre pas ces hausses et l’existence de certaines exploitations est menacée. Et c’est là qu’intervient l’association Peta (People for the ethical treatment of animals, autrement dit « Pour une éthique dans le traitement des animaux »). Avec plus de trois millions d’adhérents et de sympathisants, Peta est la plus grande organisation au monde œuvrant pour les droits des animaux. Quelle se saisisse de ce dossier est bien normal, d’autant que les porcs étaient transportés dans une remorque de trois étages sur des chemins de campagne. La question du transport des animaux dans des conditions sûres et dignes reste posée. Mais là où Peta dérape, c’est lorsqu’elle écrit au maire de Houtkerque pour lui demander l’autorisation d’installer… un mémorial sur la départementale 947 où s’est déroulée la catastrophe. Sur ce monument, on pourrait lire, à côté de la gravure d’un cochon : « En souvenir des cochons qui ont souffert et sont morts dans un accident de camion sur cette route. Si nous étions tous végans, cela ne se serait pas produit. » Les cochons sont des êtres sensibles, c’est certain. Mais la « cause » végan pousse le militantisme un peu loin. À entendre Peta, pour persuader les consommateurs de ne plus manger de viande animale, il faudrait ériger des monuments un peu partout à la mémoire des animaux morts pour notre nourriture. Belle et noble idée. Les ouvriers, les paysans, les employés et autres petites mains qui se tuent à la tâche pour nourrir le capitalisme et le libéralisme ont-ils droit à des stèles mémorielles ? Les exilés qui fuient leur pays au péril de leur vie et qui meurent en mer, sous les rails d’un wagon ou sous les roues d’un camion auront-ils eux-aussi leurs noms gravés dans le granit ? Non, ils meurent dans l’anonymat et l’indifférence pour avoir osé chercher un peu de bonheur et de liberté.