La guerre contre les médias

par Philippe Allienne
Publié le 18 mars 2022 à 10:30

France Médias Monde est en émoi. Le ministère français des Affaires étrangères aussi. France Médias Monde est un groupe qui réunit la chaîne d’information continue France 24 (dans ses quatre versions : française, anglaise, arabe et espagnol), Radio France International (RFI) et Monte Carlo Doualiya. Or, Dans un communiqué publié jeudi 17 mars, le gouvernement de transition malien a annoncé engager une procédure pour suspendre « jusqu’à nouvel ordre » la diffusion de RFI et de France 24 dans l’ensemble du pays. Il leur reproche d’avoir relayé de « fausses allégations » d’exactions qu’aurait commises l’armée malienne. Du coup, France Médias Monde veut tout mettre en œuvre, en étudiant les voies de recours à sa disposition, pour qu’une telle décision ne soit pas appliquée. Le groupe rappelle « son attachement sans faille à la liberté d’informer comme au travail professionnel de ses journalistes ». Le ministère français des Affaires étrangères n’est pas en reste et dénonce des « atteintes graves » à la liberté de la presse. Quant à l’Union européenne, elle juge « inacceptable » le comportement malien qu’elle accuse d’« accusations infondées ». Ainsi, les deux médias français subissent-ils les conséquences des très mauvaises relations franco-maliennes. Certes, nous ne pouvons que nous ranger dans le camp de ceux qui défendent la liberté de la presse et le travail des journalistes. Nous pouvons aussi considérer que le pouvoir malien pousse fortement le bouchon en établissant un parallèle entre le travail des deux médias français et l’odieuse campagne de Radio « Mille Collines » qui, en 1994, avait encouragé le génocide au Rwanda. Tout de même, il nous semble ici très difficile de laisser s’épandre ces indignations alors que l’on n’a pas entendu les médias français, les autorités françaises et encore moins l’Europe s’émouvoir de l’interdiction de diffusion sur le territoire européen des médias russes Russia Today (RT) et Sputnik. L’agence Tass a elle-même été citée pour être rendue tricarde en Europe. Et cette demande d’interdiction émane directement de la présidente de la commission européenne Ursula von der Leyer. Quels que soient les griefs que l’Europe peut avoir contre ces médias russes (notamment la reprise d’éléments de langage du pouvoir russe), rien ne justifie une telle attitude. Des plaintes ont été déposées ces derniers mois contre RT France. Elles sont en cours d’instruction par l’Arcom. Qu’au moins, on laisse cette dernière mener son travail d’enquête avant de se montrer aussi radical. Comme l’exprime le secrétaire général de la Fédération européenne des journalistes, « fermer un média est un acte grave, qui doit reposer sur des preuves solides et des lois, afin d’éviter l’arbItraire ». Mais on voit bien qu’en cas de guerre, mais aussi de tensions graves interétatiques, la presse et la liberté d’informer constituent une cible de choix. À Moscou, Poutine ne fait pas, lui non plus, dans la dentelle. Est-ce une raison pour lui emboîter le pas ?