Le MoDem à l’école, pour porter la bonne parole à nos ados !

par Philippe Allienne
Publié le 22 octobre 2021 à 11:21

À première vue, cela ressemble à un gag. Ou, le genre est très à la mode, à une fake news. C’est sans doute ce qu’ont dû penser les responsables de lycée et de collège à la lecture du courrier qu’ils ont reçu du Rectorat. Plus précisément, la lettre est signée du délégué de région académique aux relations européennes et internationales et à la coopération. La missive commence ainsi :

Madame la proviseure, Madame la principale, Monsieur le proviseur, Monsieur le principal, La députée du Pas-de-Calais, Madame Marguerite Deprez-Audebert a proposé à Madame le Recteur, de rencontrer des élèves de plusieurs établissements afin d’avoir un débat sur l’Europe et le sentiment d’appartenance à l’Europe. Ce projet de rencontre est en parfaite résonance de la présidence française du conseil de l’Union européenne qui commence le 1er janvier. Il est également en lien avec la conférence sur l’avenir de l’Europe où les citoyens sont appelés à s’exprimer sur une plateforme dédiée et dont les conclusions seront présentées dans un rapport au printemps 2022.

Qui est Marguerite Deprez-Audebert ? Le représentant académique le dit : elle est députée. Il ne précise pas qu’elle est députée MoDem de la neuvième circonscription du Pas-de-Calais et conseillère régionale des Hauts-de-France. Dans l’Éducation nationale, on ne fait pas de politique, c’est bien connu. Neutralité oblige. Ainsi, à la veille d’une double campagne électorale qui s’annonce particulièrement chaude et agitée, le rectorat de Lille accepte la demande d’une députée d’aller porter la bonne parole aux élèves sous couvert de travail pédagogique ! Le signataire de la lettre ajoute que « Madame la Députée propose des rencontres les lundi ou vendredi et d’ici fin 2021 ». Et il demande aux proviseurs et principaux de transmettre la proposition de l’élue aux enseignants de leurs établissements respectifs et qui sont concernés par la thématique européenne. Certes, il ne faut certainement pas y déceler une injonction. Le délégué demande à ses interlocuteurs de revenir vers lui si cette proposition les agrée. Et d’ajouter aussitôt : « Nous fixerons ensuite la date et les modalités de l’échange. » On peut se demander si le rectorat se serait montré aussi volontaire et bienveillant à la demande d’une proposition d’un ou d’une députée communiste. Par exemple… Voilà en tout cas une initiative qui vaut son pesant d’or, surtout en plein débat sur la laïcité, comme le souligne le Snes-FSU. Ce dernier, qui fait confiance à la clairvoyance des enseignants pour rejeter la proposition de Madame Deprez-Audebert, estime que tout cela « démontre que la liberté pédagogique, si malmenée par l’actuel ministre, est décidément indispensable pour assurer l’indépendance du savoir et de sa transmission par rapport à l’autorité politique ». Belle époque que la nôtre, décidément.