Rente mémorielle contre faillite mémorielle

par Philippe Allienne
Publié le 8 octobre 2021 à 11:43

Qu’a-t-il donc pris au président Macron en reprochant à l’Algérie de vivre sur sa « rente mémorielle » et en mettant en cause un président, Abdelmadjid Tebboune, affaibli par le mouvement Hirak ? Comment a-t-il pu continuer sur sa lancée, devant des personnes issues de l’immigration algérienne, en mettant en cause la nation algérienne d’avant la colonisation française ? Ces questions reviennent régulièrement, d’une façon ou d’une autre. Le président français a donc quelque part enfoncé des portes ouvertes. Ce faisant, il a commis une horrible erreur diplomatique. Ne lui déplaise, la « rente mémorielle » n’est pas qu’une affaire algérienne. La manière dont l’on a enseigné la guerre d’Algérie de ce côté-ci de la Méditerranée devait lui interdire de s’exprimer ainsi, outre que cela ne relève de toute façon pas de son rôle. Faut-il rappeler qu’il a fallu attendre une quarantaine d’années pour que la France admette que les « événements », ainsi qu’elle les nommait jusque-là, étaient bien une guerre et, de surcroît, une guerre très inégalitaire. Faut-il lui rappeler que la torture, les corvées de bois, les viols... étaient monnaie courante ? Faut-il lui rappeler que, lors de la victoire contre les nazis, en mai 1945, les soldats français ont tiré sur les Algériens parce qu’ils arboraient un drapeau national, le leur ? Il sera très difficile, aujourd’hui, d’apaiser les tensions ainsi créées entre les deux pays. Ramtane Lamamra, le ministre algérien des Affaires étrangères, vient de dénoncer la « faillite mémorielle » de la France. Tout cela arrive alors qu’Emmanuel Macron avait annoncé la réduction drastique de l’immigration des pays maghrébins. En Algérie, les harragas (migrants clandestins) sont de plus en plus nombreux à prendre le risque d’embarquer pour quitter leurs conditions de vie. Était-ce le moment de souffler sur les braises ? Soit le chef de l’État a voulu flatter l’extrême droite, ce qui est ridicule quand on sait qu’il y a quelques années, il qualifiait la colonisation de « crime contre l’humanité » ; soit il montre les muscles pour s’imposer dans le jeu international et rétorquer à des accords non tenus. Dans tous les cas, il a fait un mauvais calcul. Dans quelques jours seront commémorés les massacres parisiens du 17 octobre 1961. Un massacre que la France a voulu occulter de la mémoire de notre pays. Que dira, ce jour-là, le président français ?