Trop, c’est trop !

par Philippe Allienne
Publié le 24 septembre 2021 à 11:29

Que feraient les médias si Zemmour n’existait pas ? À commencer par nous-mêmes, Liberté Hebdo. Dans ce seul numéro, vous trouverez cinq articles et un dessin qui lui sont consacrés, dont le présent ! Pas moins. Les chroniqueurs s’en donnent à cœur joie. Trop, c’est décidément trop. Pour notre part, nous tâcherons désormais d’arrêter les frais. Car à trop parler de ce personnage, nous ne pouvons que le servir. L’historien Gérard Noiriel a raison de mettre en lumière les traits communs qui unissent le polémiste à Édouard Drumont, l’auteur de La France juive en 1886. Comme l’était Drumont, Zemmour est issu des classes populaires. Il aime à rappeler qu’il est né à Drancy et qu’il a vécu à Montreuil-sous-Bois. Il adorait la banlieue, dit-il. Mais il décrit aussitôt une banlieue des années 60, d’avant le regroupement familial chez les travailleurs immigrés et où l’on ne croisait aucune femme voilée. Et c’est ainsi que l’écrivain raciste construit son discours anti-musulman et vilipende ces historiens qui « veulent nous apprendre une autre histoire (…) et cette idéologie dominante d’aujourd’hui qui oublie les racines chrétiennes de la France ». Un siècle plus tôt, Drumont se déversait en un antisémitisme virulent et haineux qui a contribué plus tard à alimenter l’affaire Dreyfus et à encourager le zèle de Vichy. Aujourd’hui, Zemmour, avec son islamophobie et son mythe du grand remplacement emprunté à Renaud Camus, cherche à attiser la haine et à banaliser le racisme. Drumont a pu s’exprimer et répandre son venin grâce à la presse. La loi de 1881 avait juste 11 ans lorsqu’il a créé La libre parole, un journal antisémite. Il a aussi travaillé pour Le Figaro de l’époque même s’il a dû affronter le mépris de classe du directeur. C’était le début des médias de masse, il a surfé sur cette vague. Zemmour en fait tout autant avec la presse d’aujourd’hui. Le Figaro ne se gêne d’ailleurs pas pour exploiter ses origines populaires afin de défendre et justifier ses idées nauséeuses. Mais est-on habilité, parce que l’on est issu des classes populaires, à parler en leur nom ? Zemmour ne dispose pas que du Figaro. Les médias audiovisuels ont largement contribué à le promouvoir. Ils n’ont pas de mal. En débattant avec lui sur une chaîne d’information en continu, Mélenchon cherche d’abord le buzz au mépris du vrai débat. Et comme le faisait Drumont, Zemmour fait dans la provocation. Comment comprendre et admettre que, dès lors, sans même être candidat à l’élection présidentielle, Zemmour se voit offrir la voie royale des médias. Sans talent et sans programme, il se retrouve partout à la une pour tenter de séduire les déçus du système qui croient aux vertus d’une dictature pour rétablir on ne sait trop quel ordre et quelle justice. Voilà Zemmour qui marche dans les pas de l’extrême droite officielle et qui essaie de la doubler. Une extrême droite, qui, soit dit en passant, est tout aussi bien servie par les médias. Nous, les journalistes, portons une part de responsabilité.