Alors que le ministre de l’Intérieur s’est fendu d’un débat avec Marine Le Pen sur la chaîne publique France 2, alors qu’il accuse la municipalité EELV de Strasbourg de flirter avec l’islam radical, alors qu’il s’attaque à la municipalité de Lyon à propos d’un menu sans viande à la cantine, alors qu’est examiné, au Sénat, son projet de loi sur les « séparatismes », voilà que le syndicat étudiant Unef (Union nationale des étudiants de France) fait l’objet de furieuses attaques. L’offensive a été lancée par des représentants de LREM et, comme par hasard, elles a été relayée par la droite (LR) et l’extrême droite qui appellent à sa dissolution. À gauche, on se sent peu à l’aise. Quel est l’objet du délire ? L’Unef est accusée d’avoir organisé des réunions non mixtes, interdites notamment aux étudiants blancs. Vu ainsi, il est évident que cette pratique est plus que choquante. Cela porte atteinte aux principes républicains et à l’universalisme. Alors d’accord, l’Unef n’est pas bleu-blanc. En perte de vitesse, confrontée à un mouvement scissionniste de son aile gauche (proche du PCF) en mars 2019, il lui est aussi reproché un fonctionnement très vertical et trop centralisé. Et puis surtout, on y observe une tendance proche du communautarisme et du racialisme qui conduit, à partir de 2015, à louer des salles de prière pour les étudiants musulmans. Deux ans plus tard, le syndicat a élu à sa présidence une étudiante arborant le hijab, Maryam Pougetoux. Enfin, il y a ce rapprochement, au travers de listes communes, avec l’Association des Étudiants musulmans de France (EMF), proche dit-on des Frères musulmans. Bref, l’organisation laïque et universaliste aurait tendance à délaisser le militantisme syndical au profit d’une activité davantage sociétale et politique. La charge est lourde et l’affaire des réunions non mixtes n’arrange rien. Il convient cependant de prendre cette polémique avec de très fines pincettes. Elle arrive à un moment on ne peut plus opportun pour l’État macroniste et son ministre de l’Intérieur auteur d’une loi absurde. Il fallait un coup de pouce médiatique. Il est offert par la journaliste Sonia Mabrouk qui, sur Europe 1, se livre à un massacre en règle de l’actuelle présidente de l’Unef, Mélanie Luce. La violence est extrême, voire caricaturale. L’invitée de l’émission ne peut placer une parole sans être interrompue. Ce n’est pas une interview, c’est un procès politique. Mélanie Luce avait pourtant beaucoup de choses à dire sur le sexisme, sur le racisme et… sur la précarité étudiante. Mais au micro d’Europe 1, on veut la faire avouer qu’il y a eu des réunions entre étudiants non blancs. Son analyse, la journaliste n’en a cure. Bien sûr qu’il faut refuser tout enfermement identitaire, qu’il faut se montrer vigilant, qu’il importe de défendre les principes et fondements de la République. Mais, en aucune façon, on ne peut accepter une telle offensive, unissant les partis de droite et fascistes, contre un syndicat qui, contrairement aux assertions du ministre de l’Éducation, n’est en rien soupçonnable de dérives fascistes. Que ceux qui le prétendent acceptent le débat et balaient devant leur porte.
Vive l’Unef !
Publié le 2 avril 2021 à 10:57