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Cuba à nouveau dans l’œil du cyclone ?

par ANDRE CICCODICOLA
Publié le 18 novembre 2021 à 22:22

Des mouvements minoritaires mais bien réels, agitent l’île de Cuba. Ils prennent appui sur de graves difficultés économiques et de ravitaillement. Ils sont très directement liés à la crise du Covid-19, qui a mis un coup d’arrêt brutal notamment au tourisme, première source nationale de devises dont le pays manque cruellement. Pour comprendre la nature des problèmes auxquels Cuba est confrontée, il faut rappeler que depuis 1962, l’île est assiégée. Opposés à la révolution castriste, qui chassa Batista, dictateur corrompu par la mafia américaine (qui soutint Kennedy dans son accession à la Maison Blanche), tous les gouvernements de Washington se sont employés à la chute du régime issu de la révolution socialiste de 1959, un temps soutenu par l’URSS avant d’être littéralement « lâché » sous le règne de Gorbatchev. Il y eut même une tentative de débarquement par des éléments d’opposition financés par la CIA. L’invasion de la baie des Cochons se termina par un fiasco militaire. Mis en échec, les États-Unis ont recouru au siège de Cuba, coupant littéralement tous les moyens pour le peuple cubain de commercer avec l’extérieur. Or, l’île n’a aucune ressource naturelle. Pas de pétrole, pas de gaz, pas d’acier. Ses richesses sont la canne à sucre, et désormais ses médecins, ses savoir-faire dans le domaine des catastrophes naturelles et le tourisme. En empêchant les Cubains et les pays comme la France d’entretenir des rapports commerciaux normaux avec l’île caraïbe, les États-Unis ont créé artificiellement un état de pénurie qui freine le développement, et avec lui une plus grande satisfaction des besoins de la population. Ils espèrent, depuis plus de soixante ans, que cette situation va provoquer une révolte contre le pouvoir qui se réclame du socialisme. Jusqu’ici, malgré d’interminables privations, les Cubains n’avaient pas « craqué ». Pire pour Washington, ils commençaient à sortir de l’ornière, grâce notamment à un secteur touristique florissant et un léger accroissement des échanges avec des pays d’Amérique latine. Faisant ce constat, le président Obama déclara officiellement que les six décennies de blocus n’étant pas parvenues à faire tomber le régime, il fallait y renoncer et ouvrir de nouveaux rapports avec Cuba. Beaucoup y virent l’heure pour Cuba de se déployer économiquement et, enfin, de prospérer. Mais c’était sans prévoir l’arrivée de l’ultralibéral et réactionnaire Trump à la Maison Blanche. Il brisa net cette nouvelle approche américaine, aggravant le blocus et menaçant de mille représailles ceux qui l’enfreindraient. Il déclara qu’il avait la volonté de faire tomber le gouvernement cubain, comme, avant lui, Eisenhower avait éliminé le Premier ministre iranien Mossadegh, qui avait nationalisé le pétrole de son pays. Ou encore Nixon, présent derrière le putsch militaire du fourbe et sanglant général Pinochet qui provoqua la mort du président socialiste chilien Salvador Allende, qui nationalisa les mines de cuivre largement détenues par des compagnies états-uniennes. Dans sa tentative de mettre Cuba à genoux, Trump a trouvé un terrible allié : le Covid-19. L’épidémie arrêta net les activités touristiques, et avec elles la rentrée de devises permettant au gouvernement d’acheter des produits de première nécessité et énergétiques sur le marché international, avec l’aide de quelques pays, dont l’Afrique du Sud ou le Venezuela. À nouveau la pénurie fit son apparition, provoquant désillusion et parfois exaspération d’une partie de la population, qui les expriment maintenant. Des groupes de Cubains hostiles au régime et soutenus par les services secrets américains n’en demandaient pas plus pour mettre de l’huile sur le feu, provoquant des manifestations parfois violentes, et exigeant la fin du régime. Ce dernier a riposté parfois avec une dureté que d’aucuns ont considéré inappropriée, quand bien même ces mouvements étaient-ils manipulés. Un état de haute tension s’est installé à Cuba. Les forces hostiles au régime, contrariées par la reprise économique qui pointe notamment avec le retour massif des touristes, tentent d’enflammer le pays au plus vite. Ils battent le rappel tous azimuts sur le terrain international, notamment auprès d’organismes qui n’ont pas seulement des visées altruistes. Le président Joe Biden leur a déjà répondu présent, insistant sur la nécessité de maintenir un blocus toujours plus ferme. La France, qui s’est déjà vue infliger un camouflet par ce dernier dans l’affaire des sous-marins destinés à l’Australie, pourrait manifester à cette occasion son indépendance, en n’acceptant aucun diktat américain, en aidant Cuba à surmonter la crise économique conjoncturelle, en prônant la concorde et en laissant aux Cubains la liberté à disposer d’eux-mêmes. Mais on le sait, la liberté, comme l’égalité et la fraternité, s’arrêtent là où les affaires et les profits commencent.