Point de vue

Combattre pour la Paix... dans une France en guerre

par PIERRE OLIVIER POYARD
Publié le 16 octobre 2020 à 12:13

Quand, le 16 mars dernier, Emmanuel Macron, dans son discours, déclare, à six reprises : « Nous sommes en guerre », ce n’est pas seulement un effet rhétorique. Ce n’est pas seulement, non plus, une métaphore de la lutte contre le virus de la Covid-19 dont il s’agit. C’est un véritable aveu de la situation politique, sociale et militaire que nous vivons depuis plusieurs années dans notre pays. Nous sommes en guerre… mais en guerre contre qui ? Contre quoi ? Tout d’abord, nous vivons dans une forme « d’État de guerre » permanent, une forme de conflit social très violent qui oppose une minorité de milliardaires, qui dictent aux gouvernements les mesures antisociales à appliquer, à l’immense majorité de la population, qui n’est pas millionnaire. Un exemple de dégât collatéral de ce conflit social : la situation critique de notre système de santé, à bout de souffle dans le cadre de la crise sanitaire actuelle… parce que l’austérité gouvernementale imposée depuis plusieurs années n’a cessé de diminuer les moyens alloués aux hôpitaux et aux soignants en général. Dans le même temps, des centaines de milliards sont détournés des finances publiques vers les caisses des multinationales aux mains des milliardaires, qui peuvent utiliser cette manne pour multiplier les licenciements et les destructions d’emplois.

Militaires et milliardaires sont inextricablement liés dans la guerre et sa préparation.

Cet « État de guerre  » permanent se ressent également dans notre système éducatif où c’est une véritable « culture de la guerre » qui est enseignée à nos enfants. Les principes pacifistes, internationalistes et humanistes qui ont inspiré les créateurs des Nations-Unies il y a 75 ans sont tus : la Charte fondatrice de 1945 est ignorée. Le droit international n’est convoqué dans les enseignements que s’il confirme la politique gouvernementale. Les guerres menées par l’armée française, de nature colonialistes et impérialistes, sont justifiées par des programmes aux choix très politiques. L’armée elle-même intervient dans les classes pour justifier ses actions (et exactions) : elle peut même y engager certaines des 15 000 recrues nécessaires chaque année pour ses opérations. Dernière invention : le Service national universel diffuse une propagande de guerre à des jeunes captifs. En un certain sens, cet « État de guerre », ce conflit social violent, est une forme de guerre, une guerre contre la démocratie. Comment imaginer une démocratie ploutocratique ? C’est une contradiction dans les termes : la démocratie c’est le pouvoir populaire, la participation des citoyens, la « culture de la Paix ». C’est un combat permanent, une lutte continue. Ce n’est pas la dictature militaire d’un président-chef des armées au service de quelques milliardaires. L’histoire du XXe siècle nous enseigne qu’immanquablement, quand une guerre se déclenche, les premières victimes, ce sont bien les libertés démocratiques. C’est ce que nous avons constaté récemment avec le mouvement des « Gilets jaunes » où le gouvernement, la police et l’armée, ont considéré ce mouvement populaire comme un « ennemi intérieur » à éliminer. Notre système politique est de plus en plus autoritaire, posant clairement la question d’un possible retour du fascisme…

Aujourd’hui, il est temps d’oser la Paix, d’avoir le courage d’en finir avec le colonialisme, l’impérialisme, la guerre, que mènent le gouvernement et l’armée française, en France et tout à travers le monde, en notre nom, avec nos impôts.

Pourtant, selon certains commentateurs patentés, visibles ou audibles dans les médias d’État ou propriété des milliardaires, nous serions en paix… mais une paix armée alors. Est-ce possible ? Car depuis 2015, l’accord de Paris sur le Climat, les gouvernants occidentaux membres de l’alliance militariste de l’OTAN, augmentent fortement leurs capacités militaires, alarmés par la crise climatique et ses conséquences, qui menacent leur domination mondiale. En France, depuis lors, le budget annuel de la défense a augmenté de 8 milliards, soit une augmentation de 25 % ! 30 000 soldats français se trouvent actuellement en situation opérationnelle, dont 20 000 hors de métropole. L’armée française est présente sur tous les continents et les océans du globe. Mais le militaire en France c’est aussi un complexe militaro-industriel de 15 milliards de chiffre d’affaires dont un tiers à l’exportation, comptant 200 000 emplois et des ventes d’armes aux ultra-réactionnaires pétromonarchies du Golfe... Militaires et milliardaires sont inextricablement liés dans la guerre et sa préparation. En 2015, notre président François Hollande déclarait : « Nous sommes en guerre. » Il s’agissait alors de la guerre contre le terrorisme. Cinq ans plus tard, celle-ci n’a pas cessé, au contraire. 10 000 soldats continuent à patrouiller dans nos rues. Les exercices traumatisants « d’alerte intrusion » effrayent toujours nos enfants et adolescents dans les établissements scolaires. Des idéologues islamophobes vomissent leurs insultes à l’encontre du prétendu « totalitarisme musulman » dans les grands médias, propriété de milliardaires, dont les affaires en Afrique fleurissent. 5 100 militaires français mènent une guerre qui n’a rien d’humanitaire au Sahel, pour combattre des ennemis qui, hier, étaient considérés par les services français comme des alliés, des « amis de la France », qui pouvaient recevoir formations, armes et financements. Rappelons qu’à l’image d’Oussama Ben Laden, le « terroriste islamiste djihadiste » est une création occidentale. Les militaristes chérissent leurs ennemis car ils permettent des guerres sans fin : jamais aucune guerre occidentale n’a apporté la Paix quelque part, au contraire. La guerre engendre la guerre, les persécutions, les massacres…

Réduisons nos dépenses militaires au minimum, investissons dans la vie, la santé, l’éducation plutôt que dans les engins de mort !

Cette « guerre contre le terrorisme  » est un cancer qui ronge notre société, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de la France métropolitaine. Plus il y a de militaires français en Afrique, plus il y a de « terroristes »… ainsi, est-ce bien le « terrorisme » que l’armée française combat ? La question se pose. Car derrière les discours de propagande occidentaliste, c’est-à-dire coloniaux et impérialistes, c’est bien du pillage de l’Afrique par les multinationales françaises dont il s’agit, de la « Françafrique ». L’armée française, dont l’histoire récente est une succession de défaites militaires en Europe et de crimes coloniaux tout à travers le monde, est une milice d’État au service d’Areva, qui pille les mines d’uranium du Niger, de Total, qui vampirise les ressources pétrolières de l’Afrique de l’Ouest, de Castel, qui arrose les marchés africains de ses spiritueux, de Bolloré, qui monopolise les transports africains… C’est aussi un rouage déterminant du maintien de ce qu’il subsiste de l’empire colonial français, à savoir les départements et territoires d’Outre-mer dont la décolonisation, sur de nombreux aspects, n’a jamais été achevée. C’est pour finir le dernier recours en termes de maintien de « l’ordre » quand les colonisés de l’intérieur, les classes populaires, se révoltent contre la dictature des milliardaires… C’est pourquoi, lors de son dernier congrès, en 2017, le Mouvement de la Paix a affirmé mener des campagnes pour : « Fermer les bases militaires françaises à l’étranger » et « que la France respecte le droit des peuples à l’autodétermination ». Aujourd’hui, il est temps d’oser la Paix, d’avoir le courage d’en finir avec le colonialisme, l’impérialisme, la guerre, que mènent le gouvernement et l’armée française, en France et tout à travers le monde, en notre nom, avec nos impôts. Les Peuples du monde n’ont rien à gagner à cette guerre, à cet « État de guerre » permanent qui détruit nos libertés démocratiques pour qu’une poignée de milliardaires s’enrichissent sans fin. Nous citoyens français n’avons rien à gagner à la militarisation, à l’industrie de l’armement, aux guerres de l’armée française, à l’occupation militaire de l’Afrique, ou au maintien d’un empire colonial moribond. Réduisons nos dépenses militaires au minimum, investissons dans la vie, la santé, l’éducation plutôt que dans les engins de mort ! Osons la Paix, l’éducation à la Paix, à la « culture de la Paix », le pacifisme, l’internationalisme et l’humanisme ! Ce n’est qu’ainsi que nous donnerons un avenir serein à notre planète et à nos enfants !

À paraître prochainement  : Osez la Paix ! Agir contre les guerres aux Peuples et à la Nature ; cultiver un monde de Paix, par Pierre-Olivier Poyard, militant à la Fédération des Vosges du PCF.