Inga, sa grand-mère et son fils ont fui les missiles qui passaient juste au-dessus d’eux à Odesa, en Ukraine.
Ces héroïnes de la guerre d’Ukraine.

Elles se battent pour assurer la sécurité de leurs proches

par Virginie Menvielle
Publié le 30 octobre 2022 à 19:49

Elles s’appellent Yullia, Inga, Oxanna, Larysa... elles sont Ukrainiennes. Leur point commun : elles sont prêtes à tout pour venir en aide aux autres, en particulier à leurs proches.

« J’avais fait de la vie de mon fils, une prison  », confie Inga. Cette mère de famille originaire d’Odesa a fui en août, direction Przemysl, à la frontière polonaise, avec sa grand-mère et son fils. Elle a fini par se décider quand des missiles sont passés au-dessus de sa tête pendant le match de foot de son fils. «  On était tellement habitués à entendre les alarmes qu’on ne prenait plus le temps d’aller dans les abris anti-missiles. On n’avait pas le temps, si on l’avait fait, on n’aurait pas eu la possibilité de faire nos courses pour pouvoir manger », raconte Inga, avec tristesse. Pourtant, malgré la difficulté de la vie à Odesa ces derniers mois, Inga et sa famille refusaient de quitter leur ville. «  On voulait vraiment rester en Ukraine. Notre ville, Odesa, est tellement belle  ». Mais il était impossible pour Inga de continuer à faire peser sur les épaules de son fils toutes ses craintes, toutes ses angoisses liées à une vie si proche du front. «  Je ne le laissais plus aller nulle part seul. Même si les écoles avaient rouvert, je ne l’aurais pas autorisé à s’y rendre, j’avais trop peur ». Résultat, Inga, sa grand-mère et son fils ont fui en direction de la Pologne, avant de poursuivre leur route jusqu’en Norvège, pour un temps... incertain.

Partir en laissant sa vie derrière soi

L’émotion gagne Inga qui fait tout ce qu’elle peut pour la contenir. Elle relate : « Ma mère n’a pas voulu partir, elle avait trop peur que son appartement soit squatté ou saccagé.  » Un choix que n’approuve pas Inga, préférant la vie aux biens matériels, mais qu’elle a dû accepter, malgré tout. Elle s’est aussi retrouvée privée de son mari. Lui aurait bien voulu partir avec sa famille, mais il n’a pas pu. Comme tous les hommes ukrainiens de 18 à 60 ans, il ne peut pas sortir du pays. « Il a voulu s’engager dans l’armée, mais n’a pas été accepté, à cause de sa santé. C’est très dur pour les hommes de vivre en Ukraine en ce moment, ils ne peuvent pas travailler, pas forcément faire la guerre, et n’ont pas le droit de quitter le pays. Ils sont prisonniers, comme s’ils étaient en cage  », soupire Inga.Son histoire se confond presque avec celle de Larysa. Elle aussi a fui, direction la Pologne, elle vit à Rzeszów, au centre d’hébergement. Elle n’aurait dû rester que quelques jours. Cela fait un mois qu’elle, sa fille, Julia, son fils Artem et sa petite fille Nadiia sont là, sans savoir s’ils reviendront chez eux un jour, ni où cette guerre les conduira. «  On n’avait pas prévu de quitter l’Ukraine. Nous vivions à Kharkiv (deuxième ville d’Ukraine, au cœur des conflits, ndlr) et nous avons d’abord essayé de reconstruire une vie dans une petite ville à 20 km de Kharkiv, là où des proches avaient une maison qu’ils nous ont prêtée  ». La petite famille cultivait des légumes, des fruits... «  On aimait faire du jardinage, c’était relaxant », commente Larysa, perdue dans ses rêveries. Elle et ses proches avaient même commencé à se construire un abri souterrain pour se protéger des bombes. Mais tout a basculé quand l’un de leurs voisins est mort dans son bunker. «  Je me suis alors dit qu’on ne pouvait plus rester  ». Reste désormais à savoir où vivre. «  On va sans doute aller en Allemagne  », explique Larysa, sans être particulièrement convaincue. Elle a entendu dire que, là-bas, il y avait des programmes spéciaux pour les réfugiés ukrainiens.La petite famille ignore combien de temps elle restera en Allemagne. La reconstruction sera longue, mais l’exil leur paraît la seule solution.

Partir et se reconstruire

La fuite, c’est aussi ce qu’a choisi Oxanna. Cette enseignante travaille désormais dans une école ukrainienne à Wrocław, à l’ouest de la Pologne. Contrairement à tellement d’autres mères, de femmes, elle n’est pas isolée. Son mari, son fils et sa belle-fille sont avec elle. Elle raconte : « Mon fils était parti il y a un an et demi pour suivre sa copine. Mon mari les a suivis pour travailler en Pologne. Pendant ce temps, moi, je suis restée à Kyiv, je me sentais utile là-bas, j’avais mon travail. » Oxanna travaillait dans l’enseignement en Ukraine, elle a la chance d’exercer toujours dans le même domaine ici, à Wroclaw. Son travail et celui de ses collègues ont permis à des lycéens ukrainiens de pouvoir passer leur diplôme, l’équivalent du bac, et de pouvoir continuer à étudier en Pologne. Une jolie victoire, et pourtant Oxanna n’arrive pas à la savourer. Elle ne se sent pas utile en Pologne. «  La situation s’est calmée (l’entretien a eu lieu mi-août, ndlr), je pourrais rentrer à Kyiv, j’ai envie de rentrer. Mais mon mari et mon fils ne veulent pas, ils disent que c’est trop dangereux  ». Oxanna reste donc en Pologne, plus ou moins contrainte. Aussi, elle comprend parfaitement que d’autres n’aient pas pu se résoudre à quitter ce pays qu’elles aiment tant. C’est le cas de Yullia, business analyst de Lviv qui, le soir et le week-end, devient psychologue bénévole. Avec deux amis, elle monte un projet de centre médico-psychologique dans les Carpates pour les familles souffrant de syndrome post-traumatique conséquence de la guerre. Ce traumatisme, toutes ces femmes aux parcours si divers le partagent. Derrière ces histoires, il y a une même réalité, celle de la guerre et des conséquences qui pèsent sur leur vie quotidienne.