© Philippe Allienne
Potion

À quelle sauce Macron va-t-il manger les chômeurs ?

Publié le 16 juillet 2021 à 10:56

Le Conseil d’État, au grand dam d’Emmanuel Macron, a fait suspendre le mode de calcul des allocations chômage prévu dans la réforme. Mais le président souhaite que cette mesure, prévue dès le 1er juillet, soit appliquée à partir du 1er octobre. D’autres mesures sont en revanche entrées en vigueur depuis le début de ce mois.

Lors de sa campagne électorale, Emmanuel Macron avait annoncé haut et clair son intention de réformer en profondeur le système d’assurance-chômage. Les négociations avec les syndicats ont démarré en janvier 2019. Parmi les mesures du projet figurent la possibilité pour les salariés disposant de cinq ans d’ancienneté dans leur entreprise de démissionner en bénéficiant de l’assurance-chômage. À condition toutefois que cette démission soit motivée par la réalisation d’un projet professionnel. L’ouverture de l’assurance-chômage aux travailleurs indépendants est également inscrite. Mais on sait déjà qu’elle demeure très limitée dans les faits.

« Le travail et le mérite »

En contrepartie de ces mesures, chiffrées à plusieurs dizaines de milliards par an, le gouvernement promet un contrôle renforcé des chômeurs. Pour le chef de l’État, qui l’a répété lors de son allocution du 2 juillet, « on doit toujours mieux gagner sa vie en travaillant qu’en restant chez soi  ». Pour lui, « la priorité de la sortie de crise sera (...) la même que depuis le début du quinquennat. Le travail et le mérite  ». Ce contrôle est considéré comme un flicage inacceptable par les organisations syndicales. Mais par ailleurs, lors de l’écriture de son projet, le gouvernement a assuré que la réforme serait sans conséquence sur le montant de l’assurance-chômage. Là encore, les observations démontrent l’inverse (lire l’encadré ci- dessous). Dans une récente note gouvernementale, on apprend que, « suite à la concertation qui s’est ouverte avec les partenaires sociaux de septembre 2020 à mars 2021, dont l’objectif était d’adapter la réforme de l’assurance chômage de 2019 au nouveau contexte économique et social, le décret n° 2021-346 du 30 mars 2021, publié au Journal officiel du 31 mars 2021, a aménagé les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi et rétabli les dispositions relatives au bonus-malus. Ce décret vise à améliorer le système actuel en poursuivant un double objectif :

  • lutter contre la précarité liée à la hausse des contrats courts (le nombre de CDD de moins d’1 mois a augmenté de 250 % en 10 ans, alors que l’activité n’a augmenté que de 15%) ;
  • supprimer des injustices dans le mode d’indemnisation. » «  À la suite de la décision de suspension prononcée le 22 juin dernier par le Conseil d’État, l’entrée en vigueur des nouvelles règles relatives au calcul de l’allocation d’assurance chômage est reportée jusqu’à une date à déterminer (octobre selon le vœu du président Macron – ndlr). Dans l’intervalle, ce sont les règles prévues par la convention d’assurance chômage de 2017 qui continuent de s’appliquer.  » En revanche, lit-on encore dans cette note, les règles prévues par le décret sur les conditions d’éligibilité à l’allocation d’assurance et la dégressivité de l’allocation pour les plus hauts revenus sont bien entrées en vigueur depuis le 1er juillet dernier.

Bonus malus

La durée d’affiliation nécessaire pour ouvrir ou recharger un droit, aujourd’hui fixée à quatre mois, passe à six mois quand les deux conditions suivantes seront remplies :

  • Le nombre total de déclarations préalables à l’embauche pour des contrats de plus d’un mois est supérieur à un seuil (fixé à 2 700 000) sur une période de quatre mois consécutifs ;
  • Le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A a baissé d’au moins 130 000 au cours des six derniers mois. La dégressivité de l’allocation applicable aux salariés de moins de 57 ans ayant un revenu antérieur supérieur à 4 500 euros bruts par mois, qui intervient aujourd’hui au 9ème mois, pourra intervenir au 7ème mois quand ces deux conditions seront également respectées. La période d’observation du bonus-malus, aménagé pour tenir compte de la crise, entre bien en vigueur au 1er juillet 2021. S’agissant du bonus-malus sur les contributions patronales d’assurance chômage, «  le décret maintient l’incitation comportementale dès le 1 juillet 2021 tout en tenant compte du caractère atypique de l’année 2020 et du début de 2021. Il exclut ainsi les entreprises les plus touchées par la crise. La première modulation interviendra en septembre 2022 ». Dans le cadre de la réforme de l’assurance chômage, le décret du 26 juillet 2019 modifié a instauré une modulation du taux de contribution d’assurance chômage à la charge des employeurs, appelée « bonus-malus », afin de lutter contre la précarité de l’emploi. Applicable au 1er septembre 2022, le bonus-malus, c’est quoi ? Il a pour objectif d’inciter les entreprises à allonger la durée des contrats de travail et d’éviter un recours excessif aux contrats courts. Il consiste à moduler le taux de contribution d’assurance chômage, qui est actuellement de 4,05 %, à la hausse (malus), ou à la baisse (bonus), en fonction du taux de séparation des entreprises concernées. Ce taux de séparation correspond au nombre de fins de contrats de travail ou de missions d’intérim assorties d’une inscription à Pôle Emploi, rapporté à l’effectif annuel moyen. Le montant du bonus ou du malus sera calculé en fonction de la comparaison entre le taux de séparation des entreprises concernées et le taux de séparation médian de leur secteur d’activité, dans la limite d’un plancher (3 %) et d’un plafond (5,05 %). Le bonus-malus s’appliquera aux entreprises de 11 salariés et plus relevant des secteurs d’activité dont le taux de séparation moyen est supérieur à 150 %. Les secteurs concernés sont : la fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac ; la production et distribution d’eau, assainissement, gestion des déchets et dépollution ; d’autres activités spécialisées, scientifiques et techniques ; l’hébergement et la restauration ; le transport et entreposage ; la fabrication de produits en caoutchouc et en plastique ainsi que d’autres produits minéraux non métalliques ; le travail du bois, les industries du papier et l’imprimerie.
Qu’en pensent les associations de chômeurs ? Pour « AC ! contre le chômage », la réforme va « rendre plus difficiles les conditions d’accès à l’assurance- chômage ». Pour pouvoir prétendre à des indemnisations, il faudra travailler durant six mois sur une période de 24 mois au lieu de quatre mois avant la réforme. Selon l’association, ce nouveau mode de calcul exclura environ 300 000 chômeurs et précaires. Les indemnités seront prolongées sur 14 mois au lieu de huit, mais au final, les chômeurs percevront beaucoup moins en fin de mois (par exemple, 667 euros pour un demandeur d’emploi qui percevait jusque-là 985 euros). Considérant le coût de la vie, ce sera insupportable. Concernant le rechargement des droits, le Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP) considère que la réforme signe leur mort. Pour en bénéficier, il faudra en effet avoir travaillé six mois ou 910 heures, au lieu d’un mois ou 150 heures actuellement.
Le mode de calcul de l’allocation Le montant de l’allocation est calculé sur le salaire journalier brut de référence. Celui-ci est défini à partir de l’ensemble des salaires bruts des 12 derniers mois, primes comprises, mais hors indemnités liées à la rupture du contrat de travail. Pôle Emploi utilise deux formules et retient le résultat le plus élevé entre : l 40,4 % du salaire journalier de référence auquel il ajoute 12 euros ; l 57 % du salaire journalier de référence. Si le résultat est inférieur à 29,26 euros, Pôle Emploi retiendra ce montant. L’allocation ne peut, dans tous les cas, dépasser 75 % du salaire journalier de référence.