Covid-19

À quoi joue l’Éducation nationale ?

par Philippe Allienne
Publié le 13 novembre 2020 à 12:23

Fermeront, fermeront pas ? À l’heure où ces lignes étaient écrites, les lycéens et leurs professeurs étaient en attente de la décision du Conseil de défense qui devait décider de la fermeture ou non de leurs établissements. Les mesures annoncées une semaine plus tôt par le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer étaient loin de satisfaire le corps enseignant. D’autant qu’elles oublient les collèges. Après un mouvement de grève observé mardi 10 novembre, un préavis court toujours jusqu’aux vacances de Noël.

Renforcement du protocole sanitaire et annulation des épreuves de contrôle continu prévues dans le cadre du bac nouvelle formule.C’est ce qu’avait annoncé le ministre face à l’aggravation de l’épidémie et aux revendications de enseignants qui se plaignent des mauvaises conditions (classes surchargées notamment et personnel insuffisant) empêchant de respecter les règles de distanciation.

Inquiétudes pour le bac

Selon la FSU, principale organisation d’une large intersyndicale qui a appelé à la grève sanitaire du 10 novembre, ce mouvement ne s’en tiendra pas là. Si le ministère a lâché un peu de lest pour les lycées, rien n’a changé pour les collèges et le premier degré.Pour le député communiste Fabien Roussel, qui avait alerté sur le cas du lycée professionnel Pierre-Joseph Fontaine à Anzin , le gouvernement se montre « enfin sensible aux mobilisations » des enseignants, des chefs d’établissement et des élèves, ainsi qu’aux interventions des députés et sénateurs.

« Il va ainsi permettre aux chefs d’établissements de dédoubler les classes, là où les effectifs sont trop importants et où les locaux sont inadaptés à l’application des mesures de distanciation sociale. Une partie des élèves assisteront aux cours dans les classes, quand les autres demeureront chez eux ; des rotations seront effectuées pour que chaque élève participe à des cours en présentiel », écrit le député dans un communiqué. Il se félicite par ailleurs qu’au « niveau du lycée professionnel d’Anzin, 4 agents tech- niques ont (...) été affectés à l’établissement, afin d’assurer le nettoyage et la désinfection des salles de cours ». Le rectorat s’est également engagé à procéder au « remplacement de l’infirmière scolaire et de l’assistante sociale ».

Chez les syndicats cependant, on se montre plus circonspect. Depuis la rentrée qui a suivi les vacances de la Toussaint, l’administration refusait de passer en demi-classes. Dans la métropole lilloise, cela avait provoqué des mouvements de colère à la cité scolaire Baudelaire de Roubaix et au lycée Queneau de Villeneuve-d’Ascq. Au lycée Queneau où il enseigne, Didier Costenoble (FSU) peut désormais travailler avec une demi-classe le matin et une demi-classe l’après-midi, avec alternance toutes les semaines. « Cela permet d’avoir un élève par table. » La FSU Hauts-de-France, par la voix de son secrétaire régional Thierry Quétu, se montre également très déçue par le conseil régional. Elle l’exprime dans une lettre ouverte adressée à son président Xavier Bertrand ( Lire : Lettre ouverte de la FSU, président de la région Hauts-de-France) .

Et Didier Costenoble de confirmer : « Depuis la crise sanitaire, nous n’avons pas constaté un effort particulier. La crise met en relief des problèmes qui existaient bien avant. » Le syndicat ne souhaite pas une fermeture des lycées qui serait encore plus catastrophique pour les lycéens, surtout au moment de l’application de la réforme du bac. « Les lycéens ont pris un retard considérable et le distanciel accroît les inégalités. » Mais il réclame des aménagements propres, avec par exemple un report des examens à fin juin.

Blocages et déni

Mais concernant les collèges, l’administration bloque toujours. « Elle ne justifie pas son attitude officiellement, mais on devine qu’elle hésite à renvoyer des collégiens chez eux alors que c’est plus aisé pour des lycéens. » Or, les possibilités d’appliquer le protocole sanitaire dans les collèges butent souvent sur des salles trop petites, des difficultés pour aérer, un manque de personnel administratif. Le souci est le même dans les établissements du premier degré. Si le rectorat affirme que la grève du 10 novembre n’a touché qu’environ 10 % des enseignants dans les écoles du Nord et du Pas-de-Calais et un peu moins dans les collèges et lycées, la FSU parle d’un taux de 30 % dans les écoles, de 50 % dans les collèges et un peu moins de 50 % dans les lycées. Voilà qui souligne encore un peu plus le déni reproché au ministère et à l’administration. Cela s’est encore vu lorsque Jean-Michel Blanquer a gravement sous-estimé le nombre de cas positifs à la Covid chez les jeunes jusqu’à 19 ans. Ses informations ont été contredites par les laboratoires et par Santé publique France qui, en fonction du mode de calcul, faisaient état de 7 à 12 fois plus de cas lors de la semaine de rentrée (26 850 cas du 1er au 4 novembre au lieu des 3 528 avancés par le ministre).