Pour une alternative à gauche

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Rentrée des communistes

par Philippe Allienne
Publié le 4 septembre 2020 à 12:17

C’est une rentrée offensive et très volontariste qu’ont fait les communistes le 29 août à Dunkerque-Malo. S’il fallait respecter les distances dans les amphis et salles (un siège occupé sur deux avec port du masque), le Palais des congrès (Kursaal) n’en a pas moins accueilli environ 500 militantes et militants galvanisés par un discours très pêchu du secrétaire national et des échanges très riches en ateliers. Avec une salve d’applaudissements lorsque, après plus d’une heure d’allocution, Fabien Roussel a laissé la porte ouverte à une possible candidature communiste à la présidentielle de 2022.

« C’est d’une véritable révolution sociale et écologique dont nous avons besoin, et il y a urgence. » Après avoir rendu hommage aux militantes et militants communistes qui se sont mobilisés, durant le confinement, pour participer à l’élan de solidarité envers les plus pauvres, les étudiants et les personnes âgées (portage des repas avec les associations, par exemple), Fabien Roussel s’est attaché à développer les priorités du PCF pour les semaines et les mois à venir. Et s’il n’élude pas du tout le sujet , les échéances électorales - surtout celle ce 2022 - passent après l’urgence sociale.« Sortir du capitalisme, c’est une urgence pour des millions de Françaises et de Français, comme c’est une urgence pour sauver le climat », lance-t-il.

Cela nécessite d’abord de ne pas croire à la fatalité qui conduit des millions de personnes à sombrer dans le chômage ou dans la pauvreté. Les chiffres sont désastreux : sept millions de personnes sont aujourd’hui privées d’emploi et d’emplois stables, l’aide alimentaire a augmenté de 30 à 50 % « en raison de la pandémie et des choix du gouvernement ». Au total, compte-t-il, « dans notre pays, il y a 12 à 13 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Comment peut-on accepter que la pauvreté frappe aussi fortement aujourd’hui des étudiants, des retraités, des salariés ? Parallèlement, les 500 plus grosses fortunes de France totalisent un patrimoine de 730 milliards d’euros encore en augmentation cette année par rapport à l’année dernière. C’est le tiers du PIB de notre pays ».

Prendre le pouvoir sur l’économie

Le secrétaire national ne se prive pas de cibler, non sans gourmandise, Bernard Arnault, le PDG du groupe de luxe LVMH et première fortune de France avec 100 milliards d’euros. Il s’en prend aussi à Yves Journel, le président et fondateur de DomusVi, qu’il qualifie de « golden boy de la dépendance ». DomusVi est l’un des plus gros réseaux indépendants de maisons de retraite en France. Son PDG est 120ème au classement des plus grandes fortunes avec un patrimoine de 750 millions d’euros. « Voilà le scandale : pendant que la pauvreté augmente et que les Français participent à la solidarité, une minorité continue de s’enrichir. Elle accumule une fortune indécente, en utilisant les paradis fiscaux pour ne pas payer d’impôts sur les bénéfices ! » Tout cela est rendu encore plus abominable dans le contexte de la crise sanitaire où les « derniers de cordée » ou « premiers de corvée », selon l’expression que l’on choisira, se sont mis au service du pays sans en retirer véritablement de reconnaissance ainsi que l’a encore expliqué le premier secrétaire de la CGT, Philippe Martinez, dans un échange avec le public. Raison de plus, défend Fabien Roussel, pour ne pas perdre de vue l’objectif révolutionnaire des communistes. « Nous demandons à prendre le pouvoir sur l’économie et la manière de créer des richesses car il faudra aller plus loin que le simple partage des richesses. » Car, analyse-t-il, « de tout temps, les sociétés réclament que les plus riches participent à l’effort national. Mais elles le font sans jamais remettre en cause le capitalisme ». Alors, il faut certes réclamer le rétablissement de l’ISF, mais il faut aller plus loin.

Changer les modes de production

« Notre projet de société est fondé sur un changement profond de nos modes de production. Les richesses doivent être créées sans exploiter les hommes et les femmes et sans épuiser la planète. » Avant d’en débattre avec Philippe Martinez, le secrétaire national explique que la priorité ne doit plus porter sur les profits. Au contraire, elle doit porter sur la protection de l’être humain et du climat. Pour cela, « il faut se réapproprier l’outil de production, donner du sens au travail, aux salariés, aux métiers, au rôle de chacun. Et il faut agir pour l’égalité professionnelle. Les héros qui ont été et sont toujours en première ligne, pendant la pandémie, ce sont aussi des héroïnes.Il faut l’égalité professionnelle dans un projet de société cohérent ».

Le Parti communiste a des propositions et il travaille à les nourrir. Au cœur de celles-ci : la sécurisation des parcours professionnels. Au lieu, comme le fait le gouvernement et la politique de Macron, d’aller toujours plus loin dans l’allègement de la fiscalité et des cotisations (un projet qu’il veut mettre à l’ordre du jour des parlementaires), le PCF propose de moduler les cotisations et les impôts des entreprises en fonction de leurs investissements et de leurs efforts en faveur de la sécurisation des emplois, de la formation professionnelle, des salaires, de la relocalisation des activités, de la préservation des ressources naturelles, du climat. En clair : on renverse la balance en utilisant l’argent public et les richesses créées pour sécuriser les parcours professionnels au lieu de devoir compenser des cadeaux aux entreprises qui se feraient au détriment du budget des collectivités.

Sécuriser les parcours professionnels

Dans cette logique, plutôt que de proposer 100 000 contrats civiques pour les jeunes, comme le fait le gouvernement, le PCF propose de mettre le paquet sur les 750 000 jeunes qui s’apprêtent à entrer sur le marché du travail, là encore en sécurisant leur parcours professionnel. « Il ne doit pas y avoir un seul jeune au chômage ! » s’écrie Fabien Roussel qui, du coup, oublie la forme conditionnelle. Et pour cause, il en fait un engagement communiste. « Nous aurons besoin de toutes leurs compétences et de leurs forces pour réindustrialiser le pays, les services publics, pour engager la transition écologique. Je m’adresse à eux, futurs ingénieurs, électriciens, mécanos, futurs agriculteurs, futurs salariés du bâtiment, du ferroviaire, de l’automobile, de l’aérien, à toutes celles et ceux qui veulent développer l’économie sociale, développer la culture, vivre de leur art. Permettons à tous ces jeunes de vivre leurs rêves. » Plus prosaïquement, le PCF en appelle à ce que chaque jeune entrant sur la marché du travail puisse avoir un emploi et en vivre dignement.

Alternative

Il l’avoue, le chantier est immense. Pour lui, cela nécessite de mobiliser tout le monde : État, syndicats, collectivités, Medef, chefs d’entreprise... Tout pour ne pas conduire les jeunes à démarrer leur vie active en passant par la case RSA. Les autres propositions sont à l’avenant : retraite à 60 ans pour permettre l’embauche de ces jeunes en créant les conditions de la passation des savoir-faire et des compétences ; réduction du temps de travail avec la semaine à 32 heures pour permettre un vaste plan d’embauche, sans perte de salaire ; création d’activité dans le privé par la relocalisation de notre industrie ; embauches dans les services publics... Décidément en pleine forme, le Parti communiste et son dirigeant distinguent clairement une alternative au projet macroniste et néo- libéral. Le projet de programme pour la France s’amorce. Dans les semaines qui sui- vent, plusieurs rendez-vous sont programmés : répondre à la mobilisation intersyndicale du 17 septembre ; se rendre, le 10 octobre, devant les préfectures pour demander des comptes au gouvernement sur l’argent public distribué aux entreprises ; conférence, d’ici la fin de l’année, sur la sécurité dans les quartiers et l’éradication des trafics. Cette dernière doit associer les maires et députés communistes, les responsables associatifs, les juges, les policiers. La réponse à l’option sécuritaire du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin tient en trois mots : fraternité, égalité, laïcité. C’est autre chose que le terme dégradant défendu par ce dernier : « ensauvagement ».